À fleur de doigts

David Jalbert, pianiste. F. Schubert : Quatre impromptus, D899, op. 90; S. Prokofiev : Sonate no 2 en ré mineur, op. 14; R. Schumann : Scènes de la forêt, op. 82; I. Stravinsky : Trois mouvements de Petrouchka.
Sylvie Prévost
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David Jalbert en concert Amal’gamme

Sylvie PrévostConcert secouant, ce 30 septembre dernier… David Jalbert fait vivre à ses auditeurs toute une gamme d’émotions!

Les Quatre impromptus de Schubert sont parmi les dernières œuvres qu’il ait écrites avant de mourir à 31 ans. Toute l’œuvre est parcourue de veines sombres, de drames dans lesquels le compositeur se garde bien d’être emporté. Envers et contre tout, il choisit de rester du côté ensoleillé et riant de la vie, même s’il reconnaît la présence de la tragédie. David Jalbert rend très bien cette dichotomie, la mouvance des teintes, l’entremêlement du drame au charme et à la légèreté. Doté d’une profonde sensibilité, on sent sous ses doigts les moindres frémissements de l’âme, et si la salle n’avait pas été si souvent perturbée, nul doute que son interprétation aurait gagné en profondeur.

Le Prokofiev qui a suivi voit le monde d’un tout autre angle. Véritable coup au plexus, il s’agit d’une musique pleine à craquer, allant de rupture en rupture, dans laquelle le compositeur semble n’avoir aucune prise sur la violence de son environnement. Mais malgré la touffeur de l’œuvre, le propos est clair, la maîtrise des différents couches de son – mélodies ou accompagnement est remarquable et la façon de Jalbert d’organiser un aussi génial capharnaüm est extra-ordinaire.

Heureusement pour nous, la seconde partie du concert a été plus légère, quoique tout aussi passionnante. Les Scènes de la forêt de Schumann sont autant de tableaux dont le pianiste sait faire ressortir les couleurs uniques. Les rayons de soleil à travers les arbres, la course furtive des animaux, le calme et la sérénité, le ruisselet, les chants à l’auberge… c’est comme si on y était. Le chant mystérieux de l’oiseau prophète est parsemé de notes détachées admirables de vie. C’est un grand pianiste celui qui réussit à nous faire vivre ces miniatures avec autant de détails et de force d’évocation.

De même, les Trois mouvements de Petrouchka donnent à entendre la foire, l’action, les émotions et je doute que Stravinski ait pu être mieux servi ailleurs.

Nous avons entendu là un très grand musicien, dont l’immense sensibilité n’a d’égale que sa maîtrise technique. Sa compréhension profonde des œuvres, ses interprétations chatoyantes et pleines de finesse nous ont ravis.

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