Une bibliothèque à l’ère d’Internet

Valérie Lépine
Les derniers articles par Valérie Lépine (tout voir)

Valérie Lépine, amie de la bibliothèque de Sainte-Anne-des-Lacs – La Municipalité de Sainte-Anne-des-Lacs planifie la construction d’une nouvelle bibliothèque puisque la bibliothèque actuelle est devenue trop petite pour soutenir adéquatement sa mission. Un tel projet soulève, avec raison, des questions de la part des citoyens. Une des questions qui revient souvent est la suivante : à l’ère d’internet, des livres électroniques et de l’hyper-connectivité numérique, est-il encore judicieux d’investir dans un bâtiment qui abritera une bibliothèque ?

Pour les Amis de la bibliothèque, la réponse est oui. Plusieurs arguments de taille plaident en faveur d’un tel projet.

Voici quelques-uns des arguments qui justifient d’investir dans la construction d’une nouvelle bibliothèque malgré qu’il soit maintenant possible de se procurer facilement des livres électroniques.

Les écrans ne peuvent se substituer à l’expérience de lire un livre papier.

Certains types de livres se prêtent très mal au format électronique. Quiconque aura tenté de lire une bande dessinée, un livre d’art ou un guide de voyage avec ses multiples photos saura à quel point les écrans n’arrivent pas à rendre toute la richesse contenue dans ce type de livres.

Il est en outre reconnu que les enfants entre deux et six ans qui feuillettent des livres par eux-mêmes auront de meilleurs résultats scolaires. On a démontré en effet que les enfants qui ont accès aux livres papier à un très jeune âge ont plus de motivation à lire et à écrire, ont de meilleures habiletés de langage, développent davantage leur motricité fine et accroissent leurs capacités d’analyse et de compréhension. Les petits livres cartonnés, dont certains contiennent des textures différentes ou des languettes à manipuler, se prêtent entièrement à l’exploration des enfants. Il serait impossible de transposer ces expériences tactiles sur un écran.

On encourage d’ailleurs les parents à lire des albums régulièrement à leurs enfants et à diversifier les lectures. Les écrans peuvent certes afficher un texte et des images, mais ils peuvent difficilement recréer toute l’expérience sensorielle liée à la lecture d’un livre en famille. Et la bibliothèque publique permet aux parents d’emprunter ces documents au lieu de les acheter.

Au-delà des livres

Les bibliothèques sont plus que des dépôts de livres. Elles offrent non seulement d’autres documents qui se prêtent mal au format virtuel (casse-tête, jeux de société, jeux éducatifs, etc.), mais elles sont aussi des lieux physiques qui misent sur leurs espaces pour augmenter leur rayonnement communautaire, culturel et social. Elles permettent des rencontres, favorisent les apprentissages à tout âge et sont des vecteurs de créativité. Elles ont un rôle important à jouer dans le soutien des besoins de la communauté. Aucun écran ou réseau social ne peut se substituer à l’expérience qu’elles peuvent procurer.

Les conférences et les ateliers pour les adultes qui sont offerts dans les bibliothèques publiques permettent non seulement d’ouvrir de nouveaux horizons, mais offrent aussi l’occasion de faire des rencontres. Dans le même ordre d’idées, les heures du conte initient les tout-petits à la lecture, mais offrent aussi un lieu de socialisation. Dans une ville où il n’y a pas de maison des jeunes, la bibliothèque peut devenir un lieu où les adolescents se réunissent. Les bibliothèques peuvent d’autre part offrir un lieu de travail et d’étude à ceux qui auraient besoin ou envie de travailler en dehors de leur maison.

Les bibliothèques qui en ont les moyens (j’insiste : celles qui en ont les moyens – je donne ici des exemples de ce qui peut se faire, mais pas nécessairement de ce qui doit être fait à Sainte-Anne-des-Lacs) donnent même aujourd’hui accès à des ordinateurs, à des tablettes numériques, à des imprimantes 3D, à des machines à coudre, à des instruments de musique ou à des salles de réunion pour répondre aux besoins de leur communauté. Les bibliothèques peuvent aussi devenir des lieux d’exposition extraordinaires pour les artistes locaux et des espaces de création et d’invention grâce aux FabLab1.

Pour toutes ces raisons, les appareils électroniques, les sites web ou les réseaux sociaux ne seront jamais que des ersatz (i.e. de piètres substituts) des bibliothèques. Et dans un contexte où le monde est de plus en plus divisé et polarisé, n’a-t-on plus que jamais besoin d’un lieu qui accueille sans discrimination tous les citoyens et qui leur offre les outils pour créer des liens, réfléchir et s’émanciper ?

1. Un FabLab est un laboratoire de fabrication ouvert au public très souvent intégré aux locaux d’une bibliothèque. La bibliothèque de Brossard offre par exemple un FabLab à ses citoyens qui contient entre autres une imprimante 3D, des appareils de découpes au laser, des presses à chaleur, etc.

print