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Gleason Théberge – Avec l’arrivée de la vraie neige, le temps des Fêtes prend toujours le côté féerique des légendes, des miracles et des souvenirs. Il n’est d’ailleurs pas nécessaire d’évoquer les ceintures fléchées ou les oranges de jadis pour aller chercher dans sa propre enfance les feux multicolores, les cadeaux plus ou moins attendus et le plaisir des magies tranquilles du vivre ensemble.
C’est d’ailleurs surtout de l’enfance que se nourrissent les célébrations du passage d’une année à l’autre, et pas seulement pour l’enfant-dieu que de nombreuses civilisations célèbrent. On aime y réentendre les chansons connues. On ressort les jeux clignotant de sourires allumés, les guirlandes aux allures de neige et de laine, les boules lisses ou givrées, dont chacune parfois raconte une histoire… et on dépoussière les personnages de la crèche, du pôle Nord ou de chacun son propre pays.
Quel que soit son âge, c’est toujours le Noël de l’enfance, de ses peurs et de ses joies, car c’est à cet âge d’incertitude et de dépendance qu’appartiennent ces premiers regards sur soi-même, mesurés au malheur ou au bonheur des autres; aux abandons réels ou craints qui hantent les contes, les scénarios des films et les retrouvailles des douces odeurs et des gestes chauds du quotidien.
Et nous en avons besoin, de ce ronron de chat aux appétits comblés. De le ressentir nous-même ou de le faire naître chez l’autre, car notre enfance, qu’elle ait été sereine ou tempêtée, nous la portons comme une définition de dictionnaire. Nous avons beau composer nos vies de nouvelles phrases, ne plus ressembler au bambin plus ou moins joufflu et porter des vêtements moins démodés, notre allant, nos désirs proviennent encore des blessures et des intenses découvertes qui nous ont fabriqué.
Est-ce un tel appétit insatisfait qui anime les profiteurs du monde, ces adultes vieillis sans être devenus sages qui appliquent scandaleusement le principe de la charité qui commence par eux-mêmes et s’arrête à leur propre profit? Certaines théories psychologiques l’affirment, mais sans excuser leur malhonnêteté. Et la publicité, non plus, n’ignore pas la puissance du levier de la nostalgie insatisfaite. Les enfants n’annoncent pas que les couches ou les jouets; on les utilise, animaux ou humains, pour tout, la douceur des crèmes, les appareils électroniques, les services financiers même. Et le monde de l’automobile ne se gêne pas pour suggérer que l’achat d’une voiture est l’occasion suprême de réaliser un phantasme d’enfance.
Il faut d’ailleurs constater qu’avec la période des fêtes, la célébration de l’enfant coïncide avec la pratique quasi religieuse des achats destinés à prouver l’affection ressentie envers les autres. Pour nous, pauvres honnêtes, fêter à l’année, ne serait-ce pas plutôt voir régulièrement au bonheur des proches et des lointains… pour toute l’année ?