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Gleason Théberge – Notre langue, d’origine européenne, a été formée en même temps que quelques autres sous l’influence d’un empire. L’ancienne Rome conquérante a semé des variantes du grec et du latin en territoires devenus, entre autres, portugais espagnols et français. Parallèlement, les langues venues des pays du nord de l’Europe ont généré l’allemand et l’anglais.
Ces diverses langues modernes s’influencent entre elles depuis, au gré des partages techniques ou économiques. Durant les siècles de la dominance politique du français, celui-ci a, entre autres, marqué l’anglais; et d’après la plupart des sources, pour plus de la moitié de ses mots.
Or, surtout hispanophone, anglophone et francophone, plusieurs sociétés européennes grâce à leurs avantages militaires ont jadis envahi des territoires étrangers, dont la population n’a pas pu leur résister. Les langues dominantes ont alors modifié celles des pays conquis, voire les ont fait disparaître. Les manières de parler qui ont subsisté en variations plus ou moins éphémères, appelées dialectes, ont donné naissance à des patois stables. Ces amalgames de langues locales et dominantes, d’abord non écrites, ont été désignées d’après les familles linguistiques influencées. Teintés d’arabe, on les désigne comme sabir; de langues africaines, créole; et de langues asiatiques, pidgin.
Dans les pays francophones, on appelle ce patois franglais; et dans la transition québécoise, l’importance contemporaine des États-Unis contamine notre français en le parsemant d’expressions anglaises, surtout provenant du français mais ayant changé de sens. Un phénomène qui nous menace davantage que le joual de notre langue populaire.
Bien sûr, aucune de ces deux langues n’est supérieure à l’autre. Si les dictionnaires actuels établissent que l’anglais d’usage courant comporte davantage de mots que le français, ce phénomène provient surtout des avancées technologiques des milieux anglophones dont la facilité de l’apprentissage de la langue augmente la tendance des autres sociétés à l’utiliser comme langue internationale de l’économie et de la politique. Cette adaptation à l’anglais dans diverses communautés s’appuie sur une banque de tournures et un vocabulaire appauvri que l’on désigne comme étant le globish. L’émergence d’une telle hégémonie est peut-être destinée à éclater en nouvelles langues rendant, pour nous, désuète la grande diversité d’expressions françaises qui nous permettent d’exprimer des pensées plus nettes. Nos dictionnaires de synonymes en témoignent.
La leçon est implacable, elle. Malgré nos efforts en matière linguistique, ce sont nos leviers économiques et politiques qu’il nous faudrait contrôler davantage au Québec.