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Des lilliputiennes au pouvoir grandiose
Valérie Lépine – Maintenant que les fleurs ont flétri, que les fougères ont bruni et que les arbres se sont dégarnis, que reste-t-il à observer dans la forêt ? Encore beaucoup de choses, mais attardons-nous ici aux mousses qui constituent un monde fascinant bien qu’encore méconnus.
Elles passent très souvent inaperçues, mais elles sont partout. Les mousses forment un tapis de verdure dans nos forêts nordiques, couvrant pierres et sous-bois. Mais les mousses ne poussent pas seulement qu’au sol. Elles prospèrent dans des milieux très variés, sur les branches et les troncs d’arbres, sur les toits et les trottoirs. Certaines sont même aquatiques. La plupart préfèrent les milieux ombragés et humides puisqu’elles sont gourmandes en eau, mais certaines poussent dans des milieux chauds et secs. Dans ces milieux inhospitaliers, les mousses se déshydratent quand l’eau vient à manquer et tombent en dormance. On a découvert que certaines mousses peuvent même se régénérer après des centaines d’années en dormance ! 1 Cela n’est qu’un des aspects fascinants de ces plantes minuscules.
Ancêtres des plantes
Les ancêtres des mousses sont les premières plantes à avoir colonisé la terre ferme il y a environ 450 millions d’années. Les mousses sont classifiées dans le groupe des bryophytes, une catégorie de plantes dites non vasculaires. Elles se retrouvent sur tous les continents et on estime qu’elles couvrent au moins 9,4 millions de km2 sur Terre (presque l’équivalent de la superficie du Canada)1. Il en existe 652 espèces au Québec, et entre 15 000 et 25 000 dans le monde.
Morphologie
Les mousses sont des plantes qui ont des branches et des feuilles, mais qui ne produisent pas de fleurs. Elles n’ont pas de racines véritables, mais plutôt des rhizoïdes, des structures en forme de poil qui leur permettent de s’accrocher aux surfaces. Elles sont capables de photosynthèse (elles peuvent en produire entre -15 0C et 40 0C), mais contrairement aux plantes dites vasculaires, elles absorbent l’eau et les nutriments comme une éponge, à la surface de leurs tissus. Chaque cellule doit avoir accès à l’eau. Leurs feuilles sont donc très minces, souvent faites d’une seule couche de cellules. Les mousses se reproduisent par la production de spores qui sont propagées par le vent. Et une seule cellule de mousse peut à elle seule générer une nouvelle colonie de plantes.
Attention ! On confond souvent mousse et lichen. Les mousses sont des végétaux tandis que les lichens sont des organismes composites résultant de l’association symbiotique entre un champignon et une algue.
Des lilliputiennes aux pouvoirs grandioses
Elles sont minuscules, les mousses. On a souvent besoin d’un microscope pour les identifier correctement. Mais il ne faut pas se laisser berner par leur discrétion : les mousses ont un rôle de premier plan dans les écosystèmes.
Les mousses peuvent absorber vingt fois leur poids en eau. Elles jouent un rôle essentiel dans les écosystèmes en retenant l’humidité et les nutriments (azote, phosphore, magnésium) essentiels pour les sols et les racines des plantes. Elles peuvent aussi mitiger les débordements des cours d’eau en absorbant l’excédent d’eau. Elles contribuent donc à la régulation des cycles de l’eau et jouent un rôle important dans un contexte de changements climatiques où les précipitations sont plus intenses et plus fréquentes.
Les mousses sont des pionnières : elles sont les premières à coloniser des milieux qui ont été détruits ou perturbés (déforestation, feux de forêt, agriculture de masse, industries polluantes, etc.) puisqu’elles stabilisent le sol et apporte l’eau nécessaire à la croissance d’autres plantes. Elles peuvent créer un substrat pour les autres plantes en se fixant sur des surfaces minérales. Elles offrent également un microhabitat pour plusieurs organismes comme les insectes et d’autres invertébrés, des champignons ou des bactéries. L’étude de ces mini-écosystèmes en est d’ailleurs à ses tout débuts.
Elles captent en outre le CO2 de l’air, notamment dans les tourbières qui sont composées surtout de sphaigne (un type de mousse). Les mousses contribuent ainsi à diminuer l’incidence de gaz à effet de serre dans l’environnement. On estime qu’elles pourraient séquestrer plus de neuf gigatonnes de CO2 dans les forêts boréales et les tourbières2. Elles contribuent ainsi au stockage du tiers du carbone dans les sols de la planète bien qu’elles ne couvrent qu’entre 3 et 5 % de la surface de la Terre. Les tourbières à elles seules absorberaient cinq fois plus de carbone que les arbres d’où la nécessité de protéger ces milieux essentiels et fragiles.
Enfin, les mousses jouent un rôle de régulateur de température : dans les milieux chauds, elles rafraîchissent les sols par leurs propriétés isolantes. Ce rôle d’isolant permet aux milieux froids de rester froids (empêchant ainsi la fonte des sols en Arctique par exemple).
Les mousses ont jusqu’à maintenant été peu étudiées, mais l’intérêt à leur endroit augmente. Certains les considèrent maintenant comme une espèce clé de voûte puisqu’elles ont une influence fondamentale dans l’équilibre de certains écosystèmes.