Le gros mot

Darius et Tatie

Lyne Gariépy – Depuis qu’il sait parler, les parents de Darius, mon filleul d’amour, lui ont toujours rappelé de ne pas dire les mots gros ou grosse. Évidemment, c’était par respect pour les gens, afin d’éviter que Darius n’insulte ou ne blesse quelqu’un. Mais c’était sans compter sur l’ampleur que cela prendrait dans le cerveau de Darius !

Il y a quelque temps, ma sœur et moi avions une conversation, alors que Darius jouait tout près. Nous discutions de maisons à vendre, et Chantal me disait comment une maison avait une grosse cuisinière. C’est alors que Darius s’approche de sa mère et lui met la main sur la bouche. Ma sœur, un peu décontenancée, lui demande d’arrêter. Darius se recule, et nous reprenons la conversation. Chantal reparle encore de la grosse cuisinière. Darius revient et lui remet la main sur la bouche. Ma sœur, un peu fâchée, demande à Darius pourquoi il fait ça. Et Darius de lui répondre : « Parce que tu dis le mot qu’il ne faut pas dire, maman ! ». « Mais quel mot ? » lui demande ma sœur. « Mais le mot grosse ! Pourquoi tu l’utilises toi ? » dit-il.

Et soudainement, tout s’éclaire : Darius avait bien compris que le mot grosse ne devait pas être utilisé envers les gens, mais aussi peu importe la situation ! Ma sœur a tenté de lui expliquer que le mot pouvait être utilisé pour les choses. Mais le questionnement de Darius était en cours. Il demanda : « Pourquoi on ne peut pas l’utiliser pour les gens ? » Je lui ai demandé de s’asseoir avec moi, et j’ai commencé les explications : « Tu sais Darius, on évite de dire ce mot-là pour ne pas faire de peine aux gens. On ne traite pas les autres de gros ou de grosses. Plusieurs personnes trouvent que c’est négatif. C’est aussi un jugement. Mais c’est aussi pour ne pas faire de la taille d’une personne, que ce soit gros ou maigre, la principale caractéristique qu’on utilise pour décrire quelqu’un. Peut-être que cette personne ne se voit pas comme grosse, mais sûrement qu’elle a d’autres qualificatifs, d’autres mots pour se décrire. »

« Mais comment on peut décrire la taille d’une personne alors, Tatie ? » me demande-t-il. « Bien, par exemple, on peut dire que la personne est petite, ou grande, costaude ou mince. Et moi, par exemple, on ne peut pas dire que je suis grosse, mais on peut dire que j’ai des rondeurs, que je suis un peu ronde », que je lui réponds. Et juste comme je terminais cette phrase, Darius m’a dit : « Merci, tatie ! » et il était déjà reparti jouer !

Quelques jours plus tard, nous sommes au Pays de merveilles, dans le manège du bateau pirate. Nous nous attachons, lorsque Darius me dit : « Tatie enlève tes rondes fesses de sur ma ceinture, je ne suis pas capable de m’attacher ! » « Mais, Darius… » que je commence à lui répondre. Il s’empresse de me dire : « Mais Tatie, tu as dit l’autre fois qu’on pouvait dire ronde en parlant de toi ! » « Oui, mon grand, mais ce ne sont pas mes fesses qui t’empêchent de t’attacher, c’est parce que tu as pris la mauvaise ceinture ! » que je lui lance. Et Darius, l’air un peu gêné et penaud, de me dire : « Désolé, Tatie ! ». Reste maintenant à savoir comment Darius appliquera ces conseils linguistiques !