30 octobre 1940

Rencontre entre le maréchal français Philippe Pétain et Adolf Hitler à Montoire, France, le 24 octobre 1940 – https://www.hitler-archive.com/index.php?d=1940-10-24
Daniel Machabée
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Quand la France tend la main au diable

Daniel Machabée – « J’entre aujourd’hui dans la voie de la collaboration. Cette politique est la mienne. Les ministres ne sont responsables que devant moi. C’est moi seul que l’Histoire jugera. » Philippe Pétain, adresse à la nation, 30 octobre 1940.

Le 24 octobre, le chef du gouvernement français exilé à Vichy, le maréchal Philippe Pétain, rencontre à Montoire-sur-le-Loir Adolph Hitler afin de discuter des ternes de l’Occupation allemande. L’Histoire donnera à cette rencontre le nom d’entrevue de Montoire où une poignée de main entre les deux vétérans de la Première Guerre mondiale fut immortalisée. Retour sur une date fatidique de l’histoire de France si le lecteur veut bien faire ce voyage avec nous. 

La bataille de France

Si la France déclara la guerre à l’Allemagne le 3 septembre 1939 à la suite de l’invasion de la Pologne par la Wehrmacht, les divisions allemandes n’envahiront la France qu’en mai 1940. Au début de ce conflit, les soldats français, cantonnés dans les retranchements de la ligne défensive Maginot protégeant la frontière avec l’Allemagne, ne sont pas inquiets. La France, à cette époque, demeure la puissance possédant la meilleure armée au monde. Elle est supérieure en nombre de divisions aux Allemands, elle a davantage de tanks, et ses dirigeants persistent à penser que les Allemands vont répéter la même stratégie qu’en 1914, soit de passer par la Belgique pour envahir la France. Le maréchal Gamelin, général en chef de l’armée des Alliés, concentre donc la majorité de ses forces sur la frontière avec la Belgique. 

Pendant des mois, autant sur la ligne Maginot française que sur la ligne Siegfried du côté allemand, on s’observe. C’est la « drôle de guerre » où aucune armée ne semble vouloir prendre une initiative. À l’Est, cependant, les armées nazies envahissent les pays et imposent une occupation terrible pour les populations locales. Elles construisent les ghettos, notamment ceux de Varsovie et de Cracovie, où 500 000 juifs seront enfermés comme des bestiaux et laissés à eux-mêmes, où ils mourront de faim, de froid et de maladie. Les camps de concentration se multiplient et les machines industrielles de la mort commencent à cracher leur sombre fumée. C’est le début de l’Holocauste.

Tout change le 9 mai 1940. Les Allemands envahissent le Luxembourg afin de faire croire aux Alliés qu’ils feront comme en 1914 et passeront par la Belgique. Cependant, au lieu de passer par les plaines, l’invasion allemande passe par la forêt des Ardennes, jugée impénétrable par le haut commandement français. Soigneusement préparé par le général von Manstein, le plan d’invasion prend complètement par surprise les Alliés qui voient leurs ennemis arrivés dans leur dos.

L’humiliation de la première armée du monde

Débordant les meilleures troupes françaises aguerries, les divisions allemandes attaquent le flanc des Alliés et réussissent le 12 mai une percée majeure à Sedan qui leur ouvre la route de la mer. En huit jours, en bousculant les troupes des Alliés, les Allemands atteignent la Manche. En pleine déroute, les Alliés se retrouvent coincés à Dunkerque. Pendant cinq jours, le sort du conflit se joue à cet endroit. Attendant fébrilement les bateaux d’évacuation, les soldats français et anglais sont sauvés par une résistance opiniâtre des Français ainsi que par la décision d’Hitler d’arrêter la Blitzkrieg afin de faire souffler ses soldats. L’évacuation de Dunkerque permit à 338 226 soldats d’être sauvés, et surtout, permit à l’Angleterre de continuer la guerre.

Le 5 juin 1940, l’invasion allemande se poursuit vers le sud avec pour objectif Paris. Ayant remplacé le général Gamelin, le général Weygand, une autre sommité des armées françaises, constitue une ligne de défense sur la Somme. Cinq jours plus tard, le front est percé; la route de Paris est dénudée de soldats. Devant la déroute des armées françaises, le gouvernement quitte Paris le 10 juin et déclare la capitale ville libre le 14 juin. Profitant de la débâcle française, Mussolini déclare la guerre à la France le 10 juin et l’Italie envahit le sud de la France par les Alpes, mais, mince consolation, n’ira pas plus loin. Les Allemands occupent Paris; partout c’est la désolation, l’incompréhension, la panique, la déroute. La bataille de France est perdue, malgré la résistance parfois farouche de certaines unités françaises, notamment la division blindée du colonel de Gaule qui vient d’être nommé général et fit son entrée au gouvernement. Six millions de Français sont forcés à l’exode dans leur propre pays.

Le 13 juin, Winston Churchill, en visite en Touraine où se trouve le gouvernement français en exil, refuse que la France signe une paix séparée. Deux visions vont alors s’affronter. Philippe Pétain, nommé chef du gouvernement le 10 juin, en accord avec le général Weygand, le ministre Pierre Laval et l’amiral Darlan, partisans d’un armistice, et de l’autre, Paul Raynaud, ancien chef du gouvernement et Charles de Gaule, partisans de continuer le combat avec les ressources des colonies. Les partisans de l’armistice l’emportent et sera proclamé le 17 juin 1940. La France est humiliée. La France est occupée. Hitler triomphe. Le 22 juin, l’armistice est signé dans le même wagon où fut signé l’armistice du 11 novembre 1918 où l’Allemagne fut à son tour humiliée.

Les termes de l’Occupation

Pendant deux mois, les troupes allemandes vont occuper le Nord de la France. Puis, le ministre des Affaires étrangères, Pierre Laval, prépare avec l’ambassadeur d’Allemagne Otto Abetz une rencontre entre les deux chefs d’État afin de poser les bases d’un dialogue entre la France vaincue et l’Allemagne nazie. C’est lors de l’entrevue de Montoire que seront décidées les frontières de l’Occupation allemande et les principes généraux de la collaboration. Le maréchal Pétain croyait fermement qu’il devait y avoir un dialogue serein entre deux soldats, entre deux « frères d’armes » qui devait jeter les bases des futures relations entre les deux pays. Une des intentions de Pétain était une collaboration militaire avec les forces de l’Axe; cependant, Hitler désirait que la France déclarât la guerre à la Grande-Bretagne, ce que Pétain refusa. 

L’entrevue de Montoire, pour Pétain et Laval, était l’occasion d’inaugurer une ère de paix et de permettre à la France de retrouver sa dignité et sa place dans le nouvel ordre européen nazi. Laissons le maréchal Pétain s’adresser à la nation le 30 octobre 1940 afin d’expliquer sa position : « C’est librement que je me suis rendu à l’invitation du Führer. Je n’ai subi, de sa part, aucun “dictât”, aucune pression. Une collaboration a été envisagée entre nos deux pays. J’en ai accepté le principe. Les modalités en seront discutées ultérieurement. A tous ceux qui attendent aujourd’hui le salut de la France, je tiens à dire que ce salut est d’abord entre nos mains. À tous ceux que de nobles scrupules tiendraient éloignés de notre pensée, je tiens à dire que le premier devoir de tout Français est d’avoir confiance. A ceux qui doutent comme à ceux qui s’obstinent, je rappellerai qu’en se raidissant à l’excès, les plus belles attitudes de réserve et de fierté risquent de perdre de leur force. Celui qui a pris en main les destinées de la France a le devoir de créer l’atmosphère la plus favorable à la sauvegarde des intérêts du pays. C’est dans l’honneur et pour maintenir l’unité française, une unité de dix siècles, dans le cadre d’une activité constructive du nouvel ordre européen, que j’entre aujourd’hui dans la voie de la collaboration. Ainsi, dans un avenir prochain, pourrait être allégé le poids des souffrances de notre pays, amélioré le sort de nos prisonniers, atténué la charge des frais d’occupation. Ainsi pourrait être assouplie la ligne de démarcation, et facilités l’administration et le ravitaillement du territoire. Cette collaboration doit être sincère. Elle doit être exclusive de toute pensée d’agression. (…) Je vous ai tenu jusqu’ici le langage d’un père. Je vous tiens aujourd’hui le langage du chef. Suivez-moi. Gardez votre confiance en la France éternelle. »

Après l’entrevue de Montoire, l’Occupation allemande se durcit. Les contrôles pour traquer la population juive de France se firent plus intenses; 150 000 Alsaciens francophones furent déplacés à l’Ouest afin de préparer l’annexion de l’Alsace-Lorraine au Reich; le travail obligatoire fut instauré. Dans la mémoire collective française, ce pacte de collaboration demeure une gifle après le traumatisme de la défaite militaire qui favorisa l’expansion de la Résistance. Définitivement, la France de Vichy a serré la main du diable aux heures les plus sombres de sa longue histoire séculaire.

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