Rendre les sentiers durables

Anthony Côté
Les derniers articles par Anthony Côté (tout voir)

L’épandage du paillis forestier dans les sentiers de plein air

Anthony Côté – Après 2 ans et face aux changements climatiques, un constat majeur s’impose dans les sentiers du Haut St-Germain. Au printemps 2022, du paillis forestier a été épandu dans environ 80 % des sentiers polyvalents du Haut St-Germain (en excluant les sentiers sur passerelles). Cet épandage de paillis a mis en évidence l’urgence de rendre les sentiers durables face aux changements climatiques.

Dans le Haut St-Germain, la majorité des surfaces de sentiers de plein air sont sur terre végétale (litière et humus). Ces sentiers sont plutôt larges (entre 2 et 3 mètres), étant majoritairement d’anciens chemins forestiers convertis en sentiers de ski de fond par le Centre de ski de fond Gai-Luron, vers les années 1980. Cette largeur permet deux sentiers à usages distincts en hiver, soit une piste de ski de fond et un sentier pour trois activités hivernales : la raquette, le fatbike et la marche (quand les conditions le permettent). En été, les sentiers sont polyvalents : la marche, le jogging et le vélo de montagne. L’achalandage, surtout le vélo, compacte le sol créant une légère dépression vers le centre du sentier. Cette compaction fait « remonter » les racines des arbres à plusieurs endroits (en fait, les racines sont toujours à la même hauteur, c’est le sol qui s’affaisse). Les objectifs de départ de l’épandage du paillis forestier étaient de :

• cacher la terre végétale qui devenait rapidement boueuse et glissante après une pluie;

• remplir le sillon créé par les vélos de montagne;

• protéger si possible les racines des arbres.

L’épandage de paillis a-t-il éliminé les sentiers boueux ? Oui, mais… Les fortes pluies (changements climatiques obligent) créent des ruisseaux « intermittents » dans le sillon des sentiers pentus. Le paillis dans le sillon est alors entraîné au bas de la pente. Seule exception dans un sentier pentu : si le paillis est mélangé à de la terre et compacté, il forme un « mortier » qui résiste à l’érosion des fortes pluies. Dans les sentiers sans pentes, le paillis a été très efficace à éliminer la boue après une pluie.

L’épandage de paillis a-t-il corrigé le sillon dans le sentier créé par les vélos de montagne ? Non. Pour la même raison que pour le problème des sentiers pentus boueux. Les fortes pluies mettent à nu le sillon du sentier. Ces pluies abondantes ont même creusé davantage le sillon et ont érodé le sol exposé.  

L’épandage de paillis a-t-il protégé tant soit peu les racines des arbres ? Encore une fois, avec un sentier pentu, le paillis autour des racines a été expédié au bas de la pente. Dans les sentiers sans pentes, le paillis a été peu efficace à protéger les racines, l’épaisseur de paillis étant insuffisante dans la plupart des cas.

Pour améliorer la protection des racines, une solution proposée est de remblayer les racines avec un apport de terre, d’épandre de 2 à 3 cm de paillis sur le remblai et de compacter mécaniquement le tout.

Il est devenu évident qu’avec les fortes pluies qui sont maintenant récurrentes, la géométrie de départ des sentiers pentus doit être corrigée. Même à faible pente, un sentier qui retient l’eau de ruissellement en son centre subira une érosion qui deviendra éventuellement incontrôlable.

Les trois organismes fédérés qui fournissent des guides d’aménagement de sentiers, soit Vélo Québec, Rando Québec et IMBA (Interna-tional Mountain Bicycling Associa-tion) stipulent qu’un sentier doit évacuer l’eau de ruissellement en y incorporant une pente latérale (d’un côté à l’autre du sentier) de 5 %. La compaction du sol après les correctifs de la pente latérale est aussi importante, sans quoi le sillon causé par le passage des vélos réapparaîtra.

La poursuite de l’évaluation de l’épandage du paillis forestier dans les sentiers ne pourra être entreprise qu’après des correctifs incontournables. Il est à noter ici que le paillis forestier peut jouer un rôle très important après ces correctifs, soit de protéger le sol exposé aux fortes pluies.

Selon André Goulet, ingénieur forestier, de L’institut des territoires : « Sur le plan écologique, le retrait de chaque horizon de sol [couche de sol] est néfaste. […] Chaque horizon joue son rôle : […] le retrait de la litière et de l’humus ne protège plus le sol de l’impact de la goutte de pluie, ni contre l’érosion due aux gels-dégels. Le retrait de l’horizon […] “végétal” […] expose le sol minéral qui s’érodera sous l’impact des pluies, et favorisera le ravinement et l’effet “fossé” au centre du sentier. […] Utilisé avec l’aménagement des pentes et de saignées […], le copeau [paillis forestier] est excellent pour prévenir les dégâts […]. Il permet de régler (éviter en fait) les problèmes à la source. ».

La Ville de Prévost prévoie une étude expérimentale cet automne pour poursuivre l’évaluation de l’épandage du paillis forestier.

print