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La caractéristique première d’un empire est qu’il accapare les ressources, les traits culturels des sociétés dominées, et attire les provinciaux vers ses grandes villes. Au cours du siècle de l’exode de nos ancêtres en territoire étasunien, la plupart y ont ainsi perdu leur identité en transformant jusqu’à leurs noms, de Lebrun en Brown, de Louis en Lewis, pour en faciliter la prononciation locale, selon un mode d’intégration assez régulier en anglais.
Pourtant, au lieu de transformer la graphie des mots étrangers, la langue française les reprend, en italique. En France, leur prononciation est adaptée aux sonorités françaises square [skware], et nous nous en moquons au Québec, mais avec la proximité des États-Unis nous en gardons la prononciation [skwère] tout en conservant l’orthographe du mot.
Or, sauf pour les mots des sciences, c’est par leur usage en langue de tous les jours que ces anglicismes entrent dans notre vocabulaire. La solution la plus simple face à leur prolifération est leur francisation écrite. Non pas inconditionnelle, mais en déclenchant un processus d’usure qui a déjà intégré de nombreux mots étrangers au vocabulaire français. Par exemple, maquiller, vient du néerlandais maken* (faire), passé à l’anglais make, et devenu maquignon (marchand de chevaux). Ce genre de dérive inclut parfois des anglicismes contaminant le sens de mots français, comme initier (faire connaître) qu’on utilise trop pour to initiate (mettre en œuvre), mais une retouche à ces ajouts leur donnerait une allure plus familière.
Nous l’avons fait pour bécosses (toilettes) à partir de back house, pour la drave issue du drive anglais, et pour la pitoune (bois dravé), dérivée du happy town (endroit joyeux) qui qualifiait jadis avec humour un chantier de bûcherons. En transcrivant le langage familier, nous pouvons continuer en orthographiant les mots qui sont devenus chez nous d’usage fréquent, comme fun (plaisir) en fonne ou game (joute) en guéme…
Évidemment, les graphies originales peuvent être conservées pour certains mots dont les lettres peuvent être prononcées telles quelles en français, comme whisky ou trip (expérience intense), déjà accepté en France; un mot chez nous devenu verbe dans triper sur les chars (bolldes) de course. Diverses graphies anglaises pourraient nécessiter cependant une démarche audacieuse. À suivre.
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*L’aventure des mots français venus d’ailleurs, Henriette WALKER. Robert Laffont, 1997