Maison des aînés de Prévost

La résidente Micheline Turcotte enjouée de la visite du chien Ernest – photo: Léa Charbonneau
Léa Charbonneau
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Un an de constat pour une nouvelle approche

Léa Charbonneau – Faisant partie des territoires chanceux au Québec, Prévost a accueilli, depuis novembre dernier, une Maison des aînés (MDA). Cette formule, amorcée par Marguerite Blais, alors ministre responsable des aînés, puis repris par la ministre Sonia Bélanger, se veut un changement de paradigme sociétal dans notre approche envers les personnes âgées nécessitant des soins de longue durée. La rencontre de ce mois-ci, accompagnée de trois professionnelles — Valérie Mayrand, conseillère en communication, Valérie Brien, technicienne en travail social, et Nicole Leblanc, gestionnaire par intérim du site — a permis au Journal de faire le point sur cette institution.

Le tour des lieux

Accompagnés par ces trois dames, nous avons effectué une visite guidée et instructive des lieux. Trois maisons ont été visitées, toutes d’une propreté irréprochable, de la cuisine communautaire jusqu’aux salles de bains. La bâtisse, en forme de carré autour d’une cour intérieure, est dotée de nombreuses fenêtres qui inondent chaque pièce de lumière naturelle. La disposition conviviale et paisible des espaces communs et des chambres est remarquable. Dans l’ascenseur et un peu partout sur place, un calendrier bien garni des activités du mois était affiché : chorale, boxe, marche, BBQ et bien d’autres. Les semaines étaient remplies d’activités à la fois cognitives et sociales pour les résidents. Lors de notre passage en avant-midi, certains résidents prenaient leur déjeuner, tandis que d’autres dormaient ou regardaient la télévision. La conseillère en communication a expliqué que le principe des MDA est de recréer un milieu de vie au rythme des aînés : « Ils se lèvent quand ils veulent, ils se couchent quand ils veulent », nous dit-elle. Valérie Brien nous explique aussi que c’est non seulement plus agréable pour eux, mais c’est aussi mieux pour le personnel qui n’a pas à s’occuper de tout en même temps. 

Nouvelle approche

Ce principe, d’un rythme de vie adapté à chaque individu, fait partie des nombreux changements apportés dans ces maisons afin de réaligner les soins de longue durée tout en respectant leur dignité. « Tranquillement, ce type de philosophie est implanté dans les CHSLD », nous confie Nicole Leblanc, qui elle-même travaille dans ce milieu. En longeant les corridors, nous avons pu admirer des œuvres d’art sur les murs. « Ces œuvres sont réalisées par les résidents avec l’aide de la psychoéducatrice sur place », nous dit Valérie Brien. Par ailleurs, celle-ci était accompagnée de son chien Ernest, qui vient deux à trois fois par semaine à la Maison pour visiter les résidents, se faire caresser et remonter le moral des gens. « Il vient ici depuis qu’il a trois mois. C’est vraiment sa deuxième maison », ajoute la technicienne. À en juger par la réaction des résidents, comme madame Micheline Turcotte, lorsqu’ils voient le chien, nul doute qu’Ernest apporte de la vie dans ces maisons. Au-delà de son apparence attachante, l’intérêt de ces interventions réside dans leur approche non pharmaceutique. « De nombreuses situations sont désamorcées sans avoir recours à des médicaments », précise Valérie Brien.

La vérité sort de la bouche… des aînés !

Bien que nous ayons apprécié les professionnelles qui nous accompagnaient, le rayon de soleil de cette visite fut, sans conteste, madame Désautel. Cette dame, qui mérite amplement son titre de doyenne avec ses jeunes 99 ans, a eu la gentillesse de nous accueillir dans sa chambre. Une fois encore, la lumière du jour illuminait la grande pièce pendant qu’elle entamait son déjeuner. Ayant la bonté de mettre celui-ci en pause, madame Désautel a pris le temps de nous dire comment elle se sentait là. Avec une franchise spontanée, elle nous a dit : « C’est bien. Ils nous nourrissent, et il y a toujours des options si on n’aime pas ça. » Cette courte intervention fait sourire, car bien sûr, nourrir nos aînés est la moindre des choses. Cependant, entre les lignes, cette remarque en dit long. Elle montre à la fois que le libre arbitre, revendiqué par la nouvelle philosophie des MDA, est respecté, tout en mettant en avant la qualité des soins prodigués par le personnel. D’ailleurs, à noter que nous n’étions que deux dans le havre de paix de madame Désautel : la technicienne Valérie Brien et moi-même. Oh, sans oublier Ernest, le chien.

Visite de la cour au cœur de la Maison des ainées avec Ernest, le chien – photo: Léa Charbonneau

Bilan de l’an Un

Depuis son ouverture, plusieurs réalités et constats ont émergé de la Maison des aînés. D’une part, les trois professionnelles ont confirmé que ce changement de philosophie dans la manière de traiter les personnes âgées est une réussite, tant pour les résidents que pour le personnel. « Lors de l’inauguration, des employés travaillant avec les personnes âgées étaient présents. Ils avaient un large sourire et s’exclamaient qu’ils voulaient y travailler », raconte Valérie Brien. « Lorsque les employés sont heureux où ils travaillent, l’ambiance positive se fait ressentir partout », ajoute-t-elle. Toutefois, bien que ce changement semble avoir été très bien accueilli par le personnel des MDA, c’est un peu différent dans les CHSLD. Nicole Leblanc, qui œuvre habituellement dans ce milieu, nous mentionne que, bien qu’ils s’adaptent tranquillement à adopter l’approche des MDA, le plus difficile reste souvent l’adaptation des employés et le changement de leurs habitudes. De plus, un autre point positif souligné par ces dames est que contrairement aux CHSLD, les MDA offrent une centralisation des soins. « Ici, il y a une panoplie de professionnels sur place », nous dit Valérie Brien, en mentionnant quelques-uns. Dans une région comme les Laurentides, c’est un atout immense, surtout en tenant compte des données de Statistique Canada et de l’Institut de la statistique du Québec, qui montrent actuellement un solde négatif de migration de la population vieillissante dans la MRC de Rivière-du-Nord. Ce solde négatif s’explique par un exode de la population vivant plus au nord vers des villes plus au Sud comme Saint-Jérôme où les services sont plus accessibles. Ainsi, une MDA tel que celle de Prévost qui offre pratiquement tous les soins sur place pourrait être une solution visionnaire pour une région comme les Laurentides, qui manque cruellement de soins à proximité.

Mais encore

Visiblement, l’état des lieux est impeccable, et nos aînés ne semblent pas avoir le temps de s’ennuyer avec les multiples activités proposées. Considérant les récentes données de l’Institut de la statistique du Québec sur le vieillissement de la population dans la MRC de La Rivière-du-Nord d’ici 2031 — soit une augmentation de plus de la moitié du nombre de personnes de 80 ans et plus, — il est plus que nécessaire d’évaluer l’efficience de ces nouvelles institutions qui sont au cœur de la vie de nos personnes âgées. En réalité, il n’est pas seulement important de constater son efficacité, mais surtout de réaliser que le besoin de lieux comme celui-ci est criant. « C’est un problème non seulement pour cette MRC, mais pour l’ensemble des Laurentides », nous dit Valérie Mayrand. Elle nous informe également que les listes d’attente pour la MDA de Prévost sont déjà complètes. Il est important de noter que celle-ci n’est pas exclusive aux résidents de Prévost, mais s’adresse à tous ceux qui habitent dans les Laurentides. Sur une note plus optimiste, Valérie Mayrand mentionne que la construction de deux autres MDA est prévue dans les régions de Laurentides-Labelle et Lachute.

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