Voyage en bibliothèque

Avec Gleason Théberge, ami des bibliothèques

Vous devinerez mon âge si je vous révèle que dans la maison de mon enfance, j’ai allumé une première fenêtre sur le monde avec l’Encyclopédie de la jeunesse, des éditions Grolier. Sur les mondes, devrais-je dire, puisque j’ai découvert par la suite une vraie bibliothèque au collège, où des milliers de lueurs appelant au voyage filtraient de l’échine des reliures toutes irrégulièrement sobres.

Il y avait donc plusieurs sortes de livres, et j’ai eu l’idée saugrenue de les aborder tous en progressant selon l’ordre alphabétique des noms d’auteurs qui les classaient.

Je n’y suis évidemment pas arrivé, puisqu’un jour, j’ai glissé de son amarre un ouvrage dont la tranche des pages n’avait pas été coupée. J’ignorais qu’ils étaient imprimés sur de larges feuilles et qu’il arrivait que les éditeurs se donnent la peine de ne relier que les pages sur l’échine, et j’ai cru un instant à un cadeau qui m’était destiné. Imaginez : il n’avait jamais été lu !

Sa voilure mentionnant le mot cabale conduisait à une lecture symbolique de cette Bible dont l’époque offrait un trajet dont la religion omniprésente m’avait caché îles mystérieuses.

Au lieu de vagabonder désormais d’eau calme en roulis d’aventure, on venait de me donner une soif intense de voir d’autres marées que selon le vent sur les voiles de mes habitudes. J’en suis depuis devenu capitaine d’une vie où j’essaie encore, en pataphysicien, d’entrevoir les univers accessibles à qui les cherche. 

Et qu’est-ce qu’une bibliothèque, en fait ? Et partout n’ont-elles pas toutes agrandi leurs hublots d’écrans, de jeux, de rencontres, auxquelles s’amarrer ? De quais où revenir par beau temps pour s’y laisser bercer par les vagues ? Ou par mauvais temps, y comprendre qu’au gouvernail d’un équipage c’est à soi-même qu’il revient d’abord de vaincre les tempêtes ?

Une bibliothèque ? Le plus grand des paquebots dont tous les hublots peuvent être ouverts.