Le castor

Valérie Lépine
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Les piliers de nos écosystèmes

Valérie Lépine – Toutes les espèces tiennent un rôle important dans les écosystèmes. Mais les biologistes ont découvert que certaines d’entre elles ont un rôle essentiel dans le maintien de l’équilibre et de la biodiversité de leur environnement.

En 1969, le zoologiste Robert T. Paine1, qui étudiait l’écologie des zones intertidales de la baie de Makah dans l’État de Washington, a découvert que les prédateurs principaux de ces milieux ont un rôle crucial à jouer dans le maintien de la biodiversité. Ainsi, en enlevant les étoiles de mer des zones intertidales, les moules qui habitent aussi ces espaces se sont multipliées jusqu’à prendre toute la place, faisant ainsi chuter drastiquement la biodiversité du milieu. Paine a ainsi conclu que la disparition des prédateurs situés à l’extrémité supérieure de la chaîne alimentaire, comme les étoiles de mer, peut entraîner une cascade de conséquences dramatiques sur les populations d’un écosystème. D’autres biologistes ont décrit le même effet qu’avaient d’autres prédateurs sur leur écosystème comme les loutres de mer et les loups.

Pour décrire ce phénomène, Robert T. Paine a nommé ces animaux « espèces clés de voûte » (keystone species en anglais). Ces espèces ont un rôle disproportionné sur leur environnement relativement à leur abondance. Ils sont des piliers importants des écosystèmes et des facilitateurs de biodiversité. Quand ces espèces disparaissent, la structure, le fonctionnement et la richesse des écosystèmes sont drastiquement altérés.

Le concept a évolué et on classe de nos jours les espèces clés de voûte en quatre types 2 et 3 :

  • Les prédateurs qui contrôlent l’abondance et la distribution des proies (par exemple, le jaguar des forêts tropicales ou le loup des forêts tempérées)
  • Les espèces qui ont des relations de mutualisme (par exemple, les abeilles et les fleurs)
  • Les espèces qui structurent la géologie des habitats (par exemple, les coraux dans les mers tropicales ou les sphaignes dans les tourbières)
  • Les ingénieurs qui modifient un paysage et favorisent la multiplicité des espèces (par exemple, les chiens de prairie et les castors).

Le castor, créateur de biodiversité

Après l’homme, le castor est l’espèce qui peut le plus modifier son environnement. Les modifications qu’il entraîne en construisant un barrage sont importantes et les recherches démontrent qu’elles sont la plupart du temps bénéfiques aux écosystèmes, puisqu’elles augmentent la biodiversité d’un milieu.

Pour construire son barrage, le castor coupe les arbres matures sur les rives du cours d’eau qu’il a choisi d’habiter. Ces coupes d’arbres entraînent une ouverture de la canopée et une augmentation de la luminosité au sol. Ces modifications des rives favorisent la pousse de jeunes arbres, d’arbustes et d’une plus grande variété de plantes.

Le barrage modifie grandement l’habitat en créant un milieu humide qui profite aux insectes, aux amphibiens, aux poissons, aux reptiles et aux oiseaux. Les tortues peintes, dont le statut est préoccupant au Canada, profitent notamment des habitats créés par le castor. On sait que les inondations provoquées par les constructions des castors entraînent la mort de certains arbres. Ces arbres morts sont cependant utilisés par les pics pour creuser leur nid. Les cavités creusées par les pics servent ensuite d’abri à de multiples autres espèces. Les huttes de castor peuvent aussi servir d’abri à d’autres mammifères semi-aquatiques comme le vison et le rat musqué.

Les étangs créés par le castor réduisent les risques de sécheresse et permettent aux plantes de rivage de survivre aux feux de forêt. Ses barrages filtrent l’eau et évitent l’érosion des sols. Dans les tourbières, les barrages des castors maintiennent un niveau d’eau constant, ce qui permet aux tourbières de mieux capter le carbone. 4 et 5

Pour toutes ces raisons, le castor est considéré comme une espèce clé de voûte dans les écosystèmes dans lesquels il évolue.

Rappel : en mai, remisez votre tondeuse !

Ne vous échinez pas à tondre votre gazon en mai ! Laissez plutôt les fleurs indigènes pousser et donnez ainsi un coup de pouce aux insectes pollinisateurs qui sont, rappelons-le, essentiels à la reproduction des plantes qui nous nourrissent.

La Fondation David Suzuki va même plus loin cette année : elle incite les propriétaires à faire la guerre à la pelouse . Sa campagne Partage ta pelouse vient d’ailleurs d’être lancée. On encourage les citoyens à réimaginer et à réaménager leurs pelouses en habitats riches et diversifiés propres à attirer les abeilles, les papillons et bien d’autres animaux.

Nouveaux membres du conseil d’administration au CRPF

Lors de l’assemblée générale du 14 mars dernier, six nouveaux administrateurs ont été élus au conseil d’administration (CA) du CRPF. Les président, vice-président, secrétaire et trésorier ont par la suite été nommés lors de la réunion du CA du 28 mars dernier.

Membres du conseil d’administration du CRPF : Rangée du haut : Jean-François Côté (vice-président), Valérie Lépine, Alain Lefievre, Gilbert Tousignant (président), Laurent Besner (secrétaire). Rangée du bas : Gabriel Lalonde (trésorier), Jean-Pierre Tremblay, Louise Guertin (présidente sortante), Joanne Senécal, Ann Everitt, Dominic Richard – Photo : Jean-Luc Charbonneau

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1. The Man Whose Dynasty Changed Ecology, Scientific American, 16 janvier 2013

2. Les espèces clés et les ingénieurs, blogue du Groupe uni des éducateurs-naturalistes et professionnels en environnement (GUEPE), 15 mars 2023

3. Keystone species, Wikipedia

4. Beaver, Wikipedia

5. Le castor, architecte de la biodiversité, Dave Sproule, 7 avril 2021, Parcs Ontario

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