Les forêts

Valérie Lépine
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Essentielles à notre santé

Valérie Lépine – Vous voulez améliorer votre concentration, votre niveau d’attention, votre santé cardiovasculaire, votre système immunitaire, votre résistance au stress, votre créativité, votre mémoire ou votre capacité d’acquérir des connaissances? Rien de plus simple : allez marcher en forêt.

De plus en plus d’études démontrent que les forêts ont le potentiel d’améliorer notre santé mentale et physique. Outre le fait bien connu que les forêts constituent le poumon de la Terre et qu’elles sont des puits de carbone, ces études confirment des savoirs millénaires qui, dès l’Antiquité, reconnaissaient les bienfaits d’une marche en forêt pour se rétablir d’une maladie.1

Dans les années 80, des médecins japonais ont commencé à prescrire le shinrin-yoku (bain de forêt) qui incitait les citadins, de plus en plus éloignés de la nature, à fréquenter les forêts pour améliorer leur santé mise à mal par l’urbanisation galopante et les technologies déshumanisantes. Cette pratique de sylvothérapie commence à être reconnue en Occident comme un remède accessible à tous dont les bienfaits sont loin d’être marginaux.

Prescrire la nature

Les études démontrent que fréquenter la forêt permet entre autres:

  • d’améliorer l’immunité 
  • de diminuer la tension artérielle
  • d’augmenter le contrôle glycémique
  • d’améliorer la gestion de la douleur
  • de diminuer l’hyperactivité
  • de diminuer les symptômes dépressifs et anxieux
  • de prévenir le déclin cognitif
  • d’activer le système parasympathique qui induit un sentiment de bien-être
  • d’augmenter sa concentration, sa créativité, sa mémoire, sa capacité de résoudre des problèmes
  • de stimuler le développement intellectuel chez les enfants

Les arbres contribuent également à améliorer la santé cardio-vasculaire. Puisqu’il y a un lien étroit entre la pollution et la santé cardio-vasculaire, les arbres, qui peuvent mitiger les effets délétères des polluants aériens en servant de filtres à air et en diminuant le nombre d’îlots de chaleur, contribuent à diminuer la mortalité due aux maladies coronariennes.2

Même une exposition indirecte à la nature aurait des effets bénéfiques. Des études démontrent ainsi que des personnes hospitalisées qui avaient une vue sur la nature (un arbre par exemple) obtenaient leur congé plus tôt. On a aussi découvert que les plantes d’intérieur améliorent la concentration. Et le simple fait de regarder un paysage naturel (même sur un écran) aurait des bienfaits pour le cerveau (notamment au niveau du stress).3

Bref, l’exposition à la nature n’est pas un luxe, mais une nécessité. C’est un investissement qui peut avoir des retombées importantes sur la santé des citoyens. Certains médecins québécois ont d’ailleurs commencé à prescrire la nature pour améliorer la santé de leurs patients.4 Ils peuvent par exemple leur recommander d’aller dans le bois 20 minutes deux ou trois fois par semaine pour améliorer leur santé globale. Trois jours en forêt pourraient même renforcer notre système immunitaire pendant un mois.5

Une évolution conjointe

Mais pourquoi la nature est-elle si bénéfique à notre santé ? Une des hypothèses allègue que notre cerveau ayant évolué dans et avec la nature, nous sommes naturellement (c’est le cas de la dire !) attirés par elle et notre cerveau est fondamentalement programmé pour y évoluer. Par ailleurs, si notre cerveau s’est adapté aux conditions qui prévalent dans la nature et a permis aux hommes de la préhistoire de survivre en forêt, il s’est peu adapté aux villes qui nous confrontent à des stimuli et des stress nouveaux (à l’échelle évolutive). Les bruits, les formes carrées absentes de la nature, la vitesse, la pollution sont donc des stresseurs pour notre cerveau et ont des impacts négatifs sur notre immunité ou notre santé cardiaque.

D’autres hypothèses suggèrent que l’hormone ocytocine (l’hormone de l’amour et de l’attachement) serait sécrétée au contact de la nature. D’autres encore affirment que la nature demanderait peu d’effort au niveau de l’attention contrairement aux environnements artificiels qui exigent de faire plusieurs tâches en même temps et nous soumettent à plusieurs stimuli artificiels.6

Fréquenter la forêt, un geste économique et écologique

Pour toutes les raisons énumérées plus haut, la santé publique ferait des économies énormes si la population fréquentait davantage les milieux naturels. Des groupes militent ainsi pour que les instances gouvernementales intègrent l’accès aux forêts, aux parcs et aux espaces verts dans l’élaboration des politiques de santé publique.7

En 2021, un professeur de l’Université de Colombie -Britannique a développé l’approche 3-30-300 pour favoriser l’accès équitable à la nature dans les villes. Cette approche encourage les décideurs à envisager un développement urbain permettant à chaque citoyen de voir au minimum trois arbres à partir de sa résidence, de protéger 30% de la canopée dans chaque quartier et de permettre à chaque citoyen de vivre à 300 mètres maximum d’un espace vert. Cette approche permettrait de lutter contre le déficit nature (manque d’espaces verts dans les villes) et d’aider la nature à retrouver durablement sa place dans les villes.8

On estime en outre que le système de santé comme on le connaît, axé sur la maladie (et non sur la prévention), est responsable de 5% des émissions globales de gaz à effet de serre au Canada.3 C’est plus que les émissions du transport aérien. Une population plus en santé, entre autres grâce aux bains de nature, améliorerait le bilan carbone du pays.

Notre santé n’est pas indépendante de la santé de notre environnement. Il y a des bénéfices certains à rendre notre environnement plus sain et à protéger les milieux naturels. Les actions entreprises pour contrer la crise climatique et soutenir la biodiversité ont des répercussions directes sur notre propre santé. 

Et évidemment, plus nous fréquenterons les forêts, plus nous les aimerons et plus nous serons amenés à les protéger.

  1. Voir l’article sur le shinrin-yoku dans Wikipedia (https://en.wikipedia.org/wiki/ Shinrin-yoku)
  2. Dr Reeves et le coeur, Journal des citoyens, 17 mai 2017 (https://www.jdc.quebec/ 2017/05/17/dr-reeves-coeur/)
  3. Conférence virtuelle Prescri-Nature : La nature pour la santé! de Caroline Laberge, diffusée le 19 février 2024 et organisée par Éco-corridors laurentiens
  4. Voir le site presci-nature.ca
  5. Bienfaits de la forêt : Donnez-moi de l’oxygène, Le Devoir, 18 septembre 2023
  6. The Nature Cure : How Time Outdoors Transforms our Memory, Imagination and Logic, The Gardian, 27 novembre 2023
  7. Un congrès mondial à Sherbrooke sur l’importance des forêts pour la santé, La Tribune, 14 septembre 2023
  8. L’approche 3-30-300 pour des villes plus saines, plus vertes et plus équitables, site du programme Milieux de vie en santé de Nature Québec
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