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Gleason Théberge – Comme la parole et l’écrit sont liés, titrer dis-lui-le aura sans doute étonné l’œil lecteur, et pour cause, puisque deux règles surtout y sont mal utilisées. Le première, classique, suppose de commencer toute phrase avec le sujet (tu), de faire suivre le verbe (dis), puis les compléments direct (quelque chose) et indirect (à quelqu’un). Dans ce dis-lui-le, l’usage du trait d’union souligne les compléments qui sont inversés.
On notera que d’autres éléments peuvent aussi être utilisés avant le sujet (demain, tu diras la vérité / pour être heureux, il faut accepter la réalité). C’est le fait d’une deuxième règle voulant qu’en général on place les éléments les plus courts d’une phrase avant les plus longs. Une virgule le souligne d’ailleurs avant le commencement normal (demain, / pour être heureux,).
On dira ainsi avoir vu un bel arc-en-ciel ou mangé un plat délicieux. Mais si on n’applique pas cette règle, en parlant d’un arc-en-ciel beau ou d’un délicieux plat, on peut provoquer un certain effet en utilisant ces premiers mots d’au moins trois syllabes (arc-en-ciel ou dé-li-ci-eux), avant ceux d’une seule syllabe (beau, plat). Bien sûr, les deux formes peuvent être comprises sans problème, et on peut s’en servir pour marquer d’une certaine insistance l’élément déplacé, comme on le fait en littérature (des sources de cristal aux murmurantes eaux, Alfred Garneau).
La règle du court avant le long est d’ailleurs aussi impliquée quand on remplace des mots longs par des pronoms, dits personnels, généralement courts (surtout en, me, te, lui, leur), comme dans tu le remercieras, je lui en parlerai ou dans certaines questions directes comme le veux-tu ?, où il faut intercaler des compléments avant le verbe. Dans tu dis cela à moi devenu tu me le dis, on voit que sauf la présence initiale du sujet (tu) la phrase inverse les compléments indirect (me) et direct (le), en plaçant ce dernier auprès du verbe dont il précise le sens.
Mais dans ma phrase-titre (dis-lui-le), comme dans dis-moi-le, la pratique du court avant le long n’est pas respectée : leur forme correcte est plutôt dis-le-lui et dis-le-moi; le étant plus bref que lui (lu-i) ou moi (mo-a). Ajoutons d’ailleurs qu’une autre règle intervient, par exemple, dans je lui en parle, où les sonorités sont en cause. Ce troisième aspect veut faciliter, même visuellement, la prise de parole, en évitant, entre autres, le redoublement des sons (j’ai àacheter / je dois acheter) ou en tenant compte de leur ouverture. Dans parle-leur-en, le eu (de leur) est plus long que le en(nasal). C’est alors le jeu des sonorités qui détermine la forme à choisir.
Notez que ces règles ne sont pas nécessairement mentionnées en grammaire avec les explications les justifiant. On les apprend de la manière dont on parle autour de soi. Comprendrait-on qu’on dise j’en lui parlerai au lieu de je lui en parlerai ?