L’orthographe du cœur

Darius, tout fier, tenant le fameux TÊHME, au grand bonheur de Tatie! – photo : Lyne Gariépy
Lyne Gariépy
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Darius et Tatie

Lyne Gariepy – L’être humain cherche, depuis le début des temps, un moyen de s’exprimer, de traduire ses sentiments, soit par les dessins ou par une écriture, quelle qu’elle soit. De laisser une trace écrite, avec les moyens à leur disposition, même imparfaite. Les enfants d’aujourd’hui n’y font pas exception, Darius inclus. Et parfois, le résultat de cet effort est plus touchant que le message le plus grammaticalement parfait.

Cette année, Darius, mon filleul d’amour, a débuté la maternelle. Depuis plus d’un an, il est très curieux envers tout ce qui est mots et lettres. Il a appris son alphabet, et nous pose des questions sur les sons des lettres. Il tente aussi de déchiffrer les mots qu’il voit un peu partout, de la devanture d’un commerce, au menu du restaurant, sans oublier les livres, bien évidemment ! Et, la plupart du temps, il réussit très bien. Il est maintenant capable de fusionner le son des lettres, par exemple b et a qui font ba.Darius réécrit souvent des mots qu’il voit, de mémoire. Nous répondons à ses questions et le laissons découvrir à son rythme la lecture et l’écriture. Mais nous ne lui avons pas encore expliqué les sons complexes, c’est-à-dire lorsqu’un son peut s’écrire de plusieurs façons différentes, comme an et en. Et il ne l’a pas appris en maternelle non plus !    

Il y a quelques jours, après avoir joué à la veille de Noël, un jeu sorti de l’imagination de Darius, dans lequel, à tour de rôle, nous sommes soit le parent, soit l’enfant, que nous devons endormir pour ensuite devenir le père Noël, et livrer les cadeaux sans se faire découvrir de l’enfant !, nous étions pour jouer au dessin à relai, sur la tablette à dessiner. Darius me dit soudainement : « Attends, Tatie, je veux faire quelque chose tout seul ». Je l’attends donc tranquillement, ne me doutant pas de ce qu’il fait.

Après quelques instants, il se tourne vers moi et tout fier, il me montre la tablette. Dessus, il avait écrit : TÊHME. Je lui demande : « C’est pour moi mon grand ? » Et Darius de me dire : « Oui, Tatie ! » « Eh bien, mon loup, moi aussi je t’aime, que je lui réponds, et je suis fière de toi, je te trouve très bon, tu as pensé à faire le son ê ! » « Et tu sais Tatie, que Darius me dit, j’ai écrit têhme parce que c’est ce qu’on se dit toi et moi : T’aime fort ! Maintenant, est-ce que tu veux bien me montrer comment l’écrire comme il faut avec le je ? » Et la version corrigée fut pour ma sœur, sa maman, et lorsqu’il lui a montré le mot, il lui a dit : « J’ai mis un je pour toi maman, parce que toi, tu dis je t’aime ».

Que mon neveu d’amour se soit concentré pour m’écrire ce mot personnalisé est de la plus grande valeur pour moi, malgré, ou plutôt grâce aux fautes d’orthographe. Parce que son êh signifie qu’il s’est questionné sur la manière d’écrire ce son, avec ses connaissances. C’est non seulement ingénieux, mais cela démontre une logique et une réflexion. Et qu’il ait réfléchi à comment m’écrire « t’aime » vaut presque plus que s’il l’avait simplement recopié, et rend mon cœur de Tatie comblé !   

P.S : Ma sœur fut aussi très heureuse de son « Je t’aime », surtout le je, personnalisé pour elle !

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