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Se rebeller au fond des bois
Valérie Lépine – Se retrouver seule dans une cabane dans le milieu de la forêt. Le silence et les arbres comme seule compagnie. Encabanée relate cette expérience, romancée, qu’a volontairement vécu l’auteure Gabrielle Filteau-Chiba.
Le début du mois de janvier est glacial à St-Bruno-de-Kamouraska. La narratrice tente tant bien que mal (plutôt mal à vrai dire) de se réchauffer près de son poêle à bois. La cabane au fond de la forêt est mal isolée et n’est pas reliée au réseau électrique. Les journées se concentrent sur l’essentiel : se chauffer, se nourrir, lire, écrire, dessiner. Elles sont faites de froid, de difficultés, de doutes, de douleur, de solitude, de peur. Le temps s’efface, la quête de sens prend toute la place. « Je suis folle. Non, j’ai un idéal », clamera la narratrice au creux de la nuit.
L’alter ego de l’auteure a tout laissé pour venir se réfugier dans les bois. « Chaque kilomètre qui m’éloigne de Montréal est un pas de plus dans le pèlerinage vers la seule cathédrale qui m’inspire la foi, une profonde forêt qui abrite toutes mes confessions. Cette plantation d’épinettes poussées en orgueil et fières comme des montagnes est un temple du silence où se dresse ma cabane. Refuge rêvé depuis les tipis de branches de mon enfance. »
Ce court roman est en fait une apologie de la nature, la vraie, celle des contes de fées, inhospitalière, parfois lugubre, mais toujours inspirante. Une nature qu’il faut protéger et savoir partager.
Aller vivre dans le fond des bois, c’est aussi pour l’auteure rejeter sans équivoque la société capitaliste qui a tenté de la modeler à son image. Son éloignement de la civilisation est aussi, pour elle, un geste féministe. « Incarner la femme au foyer au sein d’une forêt glaciale demeure, pour moi, l’acte le plus féministe que je puisse commettre […] Je ne veux de toute façon compter que sur moi-même pour ma survie. Je ne veux pas de votre argent, ni vivre l’asservissement du neuf à cinq et ne jamais avoir le temps de danser. »