Rendez-vous conservation

Valérie Lépine
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Pour ceux qui sont intéressés par la protection des milieux naturels

Valérie Lépine – Éco-corridors laurentiens, organisme de bienfaisance qui œuvre à protéger les milieux naturels et les corridors écologiques, propose chaque année les Rendez-vous conservation. Cet événement, qui a eu lieu cette année le 26 octobre dernier à Mont-Tremblant, accueille tant les représentants d’organismes de conservation, des individus intéressés par la protection des milieux naturels que des élus de la grande région laurentidienne. Il permet aux participants d’entendre des experts exposer leurs résultats de recherche sur la conservation et favorise les échanges de points de vue.

Cette année, quelques-uns des membres du conseil d’administration du CRPF ont participé à ces Rendez-vous. Comme il me serait impossible de présenter ici, même de façon condensée, les propos présentés lors de cette journée, je me propose plutôt d’énumérer de façon succincte les idées, informations et résultats de recherche qui ont particulièrement retenu mon attention et qui vous donneront peut-être envie d’en apprendre davantage sur certains de ces sujets.

Un peu de chiffres pour commencer (Marie-Lyne Després-Einspenner, directrice générale d’Éco-corridors laurentiens)

  • Seulement 9 % du territoire des Laurentides est constitué d’aires protégées
  • Le tiers de ces aires protégées sont des parcs nationaux.
  • 5 503 hectares de ces milieux ont été protégés par des organismes, comme le CRPF, qui en ont fait des réserves privées.

Panel d’expertsComment répondre à la fois à la crise du logement et à la crise de la biodiversité ? (Florence Clermont, firme Arpent; Jean-Philippe Meloche, Université de Montréal; Anne-Sophie Doré, Union des Municipalités du Québec; Éric Morency, MRC d’Argenteuil)

  • Plus la population est grande sur un territoire donné, plus les logements coûtent cher et plus il est coûteux de protéger les milieux naturels.
  • Il est possible que certains se servent de la crise du logement pour justifier le développement urbain. Dans ce contexte, les décideurs doivent avoir du courage politique et ne pas avoir peur de déplaire pour implanter des politiques de conservation. Pour mitiger les deux crises, ils devront également changer leur vision et revoir les façons de développer les villes.
  • Le nerf de la guerre à ce sujet est donc de bien planifier. Prévoir entre autres des corridors écologiques lors de l’aménagement du territoire et ne pas immédiatement faire rimer développement urbain avec nouvelles routes. Les routes favorisent l’étalement urbain et fragmentent les milieux naturels.
  • Une des solutions à ces deux problèmes (logement et biodiversité) est de concevoir des aménagements urbains plus denses, avec des accès faciles aux transports en com-mun et des infrastructures déjà en place (aqueduc et traitement des eaux usées). Cette densification permet, on l’espère, de diminuer les émissions de gaz à effet de serre et de diminuer l’empiétement sur les milieux naturels.
  • Au Québec, on bloque plus de projets de densification qu’on en crée entre autres parce qu’il manque de services (transport, aqueduc, égouts, commerces, etc.) dans les endroits qui pourraient être densifiés, parce que la population est peu informée sur ce type de développement et parce qu’il manque de réglementation en ce sens.

Conférence – L’écofiscalité au service de la nature (Jean-Philippe Meloche, Université de Montréal)

  • L’écofiscalité est une mesure fiscale qui peut être adoptée par un gouvernement pour modifier certains comportements au ni-veau environnemental, comportements qui ne peuvent pas être complètement empêchés. Elle constitue une mesure additionnelle à la réglementation pour protéger les milieux naturels.
  • Exemples d’une mesure d’écofiscalité : taxer la perte de milieux humides ou taxer le carburant.
  • Monsieur Meloche a développé des outils d’écofiscalité qui proposent une grille de taxation liée à l’empreinte écologique de l’occupation du sol. Ces outils pourraient aider à la mise en valeur des services écologiques que nous rendent les milieux naturels et aider à protéger les habitats essentiels de certaines espèces en péril.1
  • Cette grille de taxation s’appuie sur l’indice de canopée : plus une construction ou un développement détruit la canopée (la quantité d’arbres sur une surface donnée), plus son propriétaire paie de taxes. La taxe encourage donc chaque propriétaire à conserver la plus grande surface de milieu naturel possible.

Allocution du ministre du MELCCFP

  • Benoît Charrette, ministre de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP), est venu faire une courte allocution lors des Rendez-vous conservation. Il a entre autres parlé du Plan nature 2030, qui « aura comme objectifs l’atteinte des prochaines cibles mondiales, notamment la cible de conservation de 30 % du territoire québécois. »2
  • Il a affirmé que d’ici 2030, il devrait y avoir 25 % d’aires protégées strictes au Québec.
  • Dans ce contexte, le gouvernement caquiste se propose d’appuyer les Municipalités entre autres contre les poursuites judiciaires dont elles sont parfois victimes en lien avec leur volonté de protéger leur territoire.
  • Il a également mentionné le projet de Loi 22 (Loi sur l’expropriation), piloté par le ministère des Transports, qui pourra servir à mieux protéger les milieux naturels particulièrement par la mise en place de nouvelles règles sur les indemnités qui devront être versées aux expropriés3.

Conférence – Démystifier l’aménagement d’un passage faunique (Francisco Retamal Diaz, CNC; Valérie Bolduc, Université Concordia)

  • Les passages fauniques sont aménagés aux abords des routes pour permettre les déplacements sécuritaires de la faune et atténuer le fractionnement des corridors écologiques.
  • Les routes ont plusieurs impacts sur la faune : elles augmentent la mortalité, entraînent une perte ou une fragmentation des habitats, ont un effet de barrière pour les animaux, et le bruit qu’elles génèrent constitue une nuisance pour la faune.
  • Il est donc nécessaire d’adopter des mesures pour atténuer ces impacts dans un contexte de perte de biodiversité généralisée.
  • Les écopassages (infrastructures permettant à la faune de passer sous ou par-dessus les routes) sont des mesures efficaces pour diminuer la mortalité de la faune4.
  • Ces écopassages sont aménagés à l’aide de clôtures de dérive qui englobent le milieu naturel pour diriger la faune vers des ponceaux (ou des ponts) qui permettent à la faune de passer sous ou par-dessus les routes.
  • Les tortues, dont toutes les espèces ont un statut précaire au Québec, sont particulièrement vulnérables lorsqu’elles doivent traverser les routes. Mais il a été démontré qu’elles empruntent les passages fauniques lorsqu’ils sont présents dans leur milieu de vie.
  • Le programme carapace.ca5 est un programme de science citoyenne qui amasse des données pour identifier les endroits où les tortues ont tendance à se déplacer. En identifiant ces couloirs de déplacements, on espère pouvoir mitiger les dangers impliqués dans ces déplacements.

Panel d’élus – L’engagement politique dans le cadre du Plan Nature (Kim Meyer, mairesse Lac-Tremblant Nord; Normand St-Amour, maire Chute-St-Philippe; Brigitte Voss, conseillère Sainte-Agathe; Jake Chadwick, conseiller Barkmere)

  • Tous les intervenants de ce panel étaient évidemment très engagés envers la conservation de la nature.
  • Il est difficile de rapporter le contenu des échanges ici, mais voici une chose qui a retenu mon attention : ils étaient tous d’accord pour dire que les citoyens peuvent avoir un pouvoir d’influence sur leur conseil de ville, entre autres en ce qui concerne la protection de l’environnement. Les idées et les propositions des citoyens sont entendues par les élus. Les membres du panel proposaient d’ailleurs aux citoyens d’assister aux réunions du Conseil de leur Municipalité et d’intervenir auprès de leurs élus sur les enjeux environnementaux.

À propos du CRPF – Le Comité régional pour la protection des falaises œuvre depuis 2003 pour la protection et l’utilisation écoresponsables d’un territoire de 16 km² doté de caractéristiques écologiques exceptionnelles et s’étendant derrière les escarpements de Piedmont, de Prévost et de Saint-Hippolyte.

Cet article est publié simultanément dans le Journal des citoyens (Prévost, Piedmont et Sainte-Anne-des-Lacs) et le journal Le Sentier (Saint-Hippolyte).

  1. Étude sur la mise en œuvre d’outils d’écofiscalité au service de la conservation et de l’adaptation aux changements climatiques dans les Basse-Terre du Saint-Laurent (www.ouranos.ca/fr/projets-publications/mesures-ecofiscalite)
  2. Mobilisation nationale pour l’élaboration du Plan Nature 2030 (https://consultation.quebec.ca/processes/plan-nature-2030)
  3. Pour en savoir plus sur les enjeux liés au projet de Loi 22, voici les liens à deux articles de La Presse qui montrent les arguments des gens qui s’opposent (www.lapresse.ca/affaires/2023-10-31/projet-de-loi-sur-l-expropriation/une-atteinte-sans-precedent-au-droit-de-propriete.php) et de ceux qui le soutiennent (www.lapresse.ca/dialogue/opinions/2023-11-06/projet-de-loi-22/l-expropriation-et-la-fin-du-monde.php)
  4. Impact des infrastructures sous la route sur les populations d’amphibiens, Francisco Retamal Diaz, Mémoire de maîtrise, Université Laval (document PDF disponible en ligne)
  5. Vous avez aperçu une tortue au Québec ? Vous pouvez la signaler au carapace.ca
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