Projet de bibliothèque 

Salle de Nouvelles
Les derniers articles par Salle de Nouvelles (tout voir)

Commentaire d’un citoyen de Sainte-Anne-des-Lacs

Au conseil municipal du 10 octobre 2023 de la Municipalité de Sainte-Anne-des-Lacs, l’annonce d’un projet de construction d’une nouvelle mairie, incorporant un espace pour une nouvelle bibliothèque, a suscité plusieurs réactions négatives, particulièrement en ce qui a trait au besoin d’un service de bibliothèque.

J’aimerais apporter quelques éléments de discussion concernant cette problématique. Certains mettent en doute les données sur l’achalandage et l’utilisation actuels de la bibliothèque. J’ai un voisin avec lequel je discutais dernièrement, qui m’a affirmé que très peu de gens se rendaient à la bibliothèque, tout en m’avouant n’y avoir jamais mis les pieds. Cherchez l’erreur !

L’utilisation actuelle des services de la biblio est, certes, une donnée intéressante, mais je ne pense pas qu’elle reflète ce quelle sera dans l’avenir. En effet, le local actuel est déficient à plus d’un titre : espace exigu, impossibilité de faire des consultations sur place, rayons et collections réduites au strict minimum, etc.  La Munici-palité dispose plus d’un « comptoir de prêts » que d’une véritable bibliothèque, d’un lieu de rencontre culturel. Selon moi, un local plus adéquat devrait entraîner une hausse des utilisateurs.

Pourquoi une bibliothèque à l’heure d’Internet ? Ce n’est pas la première fois que l’on annonce la fin d’une activité avec l’arrivée d’une nouvelle technologie. La télévision ne devait-elle pas assurer la fin de la radiodiffusion ? Quelques décennies plus tard, les deux coexistent encore et on peut même les utiliser avec l’Internet. L’écrit – les livres – continue à vivre malgré l’arrivée de l’Internet. Ainsi, les ventes en librairies ont augmenté de 16,3 % en 2021, année de pandémie. Or, l’an dernier, ce niveau de ventes s’est maintenu alors que plusieurs prévoyaient une régression.

Ajoutons qu’à Sainte-Anne-des-Lacs, nous avons beaucoup de jeunes familles avec des enfants ainsi que plusieurs retraités. Deux segments de la population dotés d’une forte propension à utiliser les services d’une bibliothèque et qui profitent de la gratuité des services. 

L’édifice actuel de la bibliothèque, de quelques décennies en âge, est déjà à reconstruire. Comment est-ce possible ? Une bâtisse, une automobile, un outil, peu importe l’objet, ne peut survivre sans une forme quelconque d’entretien. À l’évidence, à constater l’état physique de notre bibliothèque, cet entretien a été minimal, voire négligé. Ajoutons que la construction, au départ, a plus épousé les lignes d’un chalet d’été que celles d’un édifice municipal ouvert au public. Ne soyons donc pas surpris par sa désuétude.

On a suggéré aussi d’établir une entente avec la bibliothèque de Saint-Sauveur pour que les citoyens de Sainte-Anne-des-Lacs puissent y avoir recours. Selon moi, il s’agit là d’une fausse bonne idée. D’abord, malgré l’étroitesse de notre « bibliothèque », on y tient à l’occasion des activités, comme des causeries, qui seraient moins populaires à l’extérieur de la municipalité. De plus, les enfants de la garderie se rendent à pied régulièrement à la bibliothèque. Faudrait-il les envoyer en autobus à Saint-Sauveur ? Enfin, utiliser les services de la bibliothèque de Saint-Sauveur impliquerait que chaque fois que l’on emprunte et remet des livres, il faudrait parcourir une vingtaine de kilomètres supplémentaires par rapport à la situation actuelle. Comme tous ces déplacements se feraient en automobile, ceci implique nécessairement une augmentation des gaz à effet de serre. À l’heure des changements climatiques, c’est exactement ce qu’il ne faut pas faire !

Comment financer tout cela ? Question pertinente, particulièrement dans le présent contexte présent des finances municipales qui, en 2022, se sont dramatiquement détériorées. Globalement, l’an dernier, le déficit de fonctionnement a été d’environ 157 000 $. Le taux de taxation a aussi été augmenté en moyenne de 17,1 %, une hausse qui n’est pas passée inaperçue !

Impacts et bien-fondé

Dans ce contexte, il est tout à fait raisonnable de questionner le bien-fondé de tout projet d’investissement et d’estimer son impact sur la vitalité financière de la municipalité.

Pour l’instant, on ne connaît ni le coût total du projet, ni son mode de financement final. Le conseil municipal nous a annoncé qu’une partie de la construction serait subventionnée par le gouvernement du Québec à hauteur d’environ 60 %. Ce pourcentage pourrait être légèrement augmenté si la construction utilise un certain volume de matériaux structurels en bois. La balance du financement devra donc, selon toute vraisemblance, se faire par emprunt.

J’ai estimé qu’un emprunt d’un million de dollars, sur une période de 20 ans à un taux d’intérêt de 4,5 %, se traduirait par une charge annuelle de 76 000 $ au titre du service de la dette, soit la remise en capital et le paiement des intérêts, et ce, sur l’ensemble de la période du prêt. Cette charge devra être incorporée dans les dépenses de fonctionnement de la Municipalité. Elle pourrait être incluse dans les dépenses annuelles financées par les taxes actuelles ou encore par une hausse des taxes (ou encore une combinaison de ces deux options). Un emprunt d’un million de dollars, entièrement financé par une hausse de taxes, équivaut pour une résidence de 350 000$ (ancienne valeur médiane d’une résidence à Sainte-Anne-des-Lacs) à une hausse de taxe d’environ 31$ annuellement, soit 0,60 $ par semaine.

Selon moi, toute proposition d’un investissement de la Municipalité aussi importante que celle de la construction d’une nouvelle mairie, avec un espace de bibliothèque, devrait présenter l’ensemble des coûts, son mode de financement, son impact sur le niveau de taxation des résidents de la municipalité et sur les précieux apports éducatifs et sociaux d’un tel projet. Dès lors, les citoyennes et citoyens de Sainte-Anne-des-Lacs seront en mesure de l’apprécier à sa juste valeur.

Henri Beauregard, citoyen de Sainte-Anne-des-Lacs

print