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Je pollue, tu plantes, nous compensons
Valérie Lépine – Février. Il fait un froid de canard. Vous décidez d’aller vous réchauffer les pieds dans le sable. Vous vous rendez sur votre site d’achats de billets d’avion préféré. Vous choisissez le vol et passez à la caisse. Avant de régler la facture, le site vous demande si vous voulez compenser les émissions de carbone qui seront engendrées par votre voyage en investissant un petit montant dans un organisme qui plante des arbres.
Écoutant votre petite voix intérieure qui vous rappelle que nous sommes en pleine crise climatique, vous cochez oui et payez le montant suggéré. Après tout, même le gouvernement du Canada s’est engagé à planter deux milliards d’arbres sur une période de 10 ans1.
Mais après avoir payé la compensation, vous commencez à avoir des doutes. Est-ce que planter des arbres est la bonne solution ? Est-ce que le programme va vraiment faire une différence ? Est-ce qu’il va soutenir des projets viables ? Aurais-je pu soutenir un programme de compensation local ? – Bonnes questions.
De plus en plus de critiques
Les programmes de compensation des émissions de carbone par la plantation d’arbres sont nombreux. Ils se basent sur le principe que les arbres plantés absorberont le carbone qui a été émis. Ça semble logique. Sauf que…
De plus en plus de voix s’élèvent pour informer le public sur l’envers de la médaille des programmes de plantation d’arbres2. D’abord, on critique les programmes qui misent sur la plantation d’une ou de quelques espèces d’arbres seulement. Ces programmes misent sur le rendement économique et la vitesse de croissance des arbres et ignorent la complexité réelle d’une forêt. On déplore que les arbres de telles plantations risquent de développer plus facilement des maladies et de diminuer localement la biodiversité. Qui plus est, les plantations qui misent sur la valeur économique des espèces d’arbres plantés (pour leur valeur en bois ou en pâtes et papiers) sont destinées à être coupées, ce qui, à terme, libérera du carbone.
Les programmes de compensation de carbone peuvent aussi avoir un effet pervers : on se dit qu’on peut continuer à polluer, puisqu’on a contribué à un programme de compensation pour ses émissions. On s’achète une bonne conscience. On fait du greenwashing. Ce qui mène certains à affirmer que ces programmes de compensation carbone ne font que maintenir l’inaction climatique3.
Il faut aussi se rappeler que les forêts en développement peuvent aider à stocker le carbone, mais qu’elles ne peuvent à elles seules stocker tout le carbone que nous émettons. Ainsi, les programmes de plantation d’arbres peuvent nous faire oublier que d’autres écosystèmes sont aussi, sinon plus efficaces pour stocker naturellement le carbone. L’océan, par exemple, est le plus grand puits naturel de carbone. Le CO2 y est stocké par le plancton, les coraux et les poissons. Or, on le sait, les océans sont mal en point : acidification des eaux, surpêches, pollutions plastiques, hausses des températures, destruction des habitats, etc4. D’autres écosystèmes comme les tourbières, les marais salés et la toundra sont des champions dans la captation du carbone, mais ces milieux disparaissent rapidement. Ils sont exploités, drainés, brûlés ou transformés par les changements climatiques5.
Solutions
La première règle sera toujours de réduire le plus possible ses émissions de gaz à effet de serre en amont en changeant ses comportements. Car le CO2 qui n’a pas été émis n’a pas besoin d’être compensé. Voyager moins et localement, consommer moins (moins de viande, moins de vêtements, moins d’appareils électroniques, etc.), manger bio, économiser l’eau et l’énergie, réparer au lieu de jeter, réduire les emballages plastiques, etc. sont des gestes à la portée de tous et qui diminuent collectivement les émissions de gaz à effet de serre.
Puisqu’il est difficile d’être complètement carboneutre, il peut être intéressant de contribuer à un programme de compensation. Mais attention ! Les programmes de compensation carbone ne sont pas tous équivalents. Certaines initiatives sont frauduleuses alors que d’autres ont vraiment à cœur de recréer des milieux boisés équilibrés qui intègrent des espèces indigènes diversifiées. Certains programmes amalgament aussi à la plantation d’arbres des projets de restauration d’écosystèmes, d’éducation, d’économie d’énergie ou d’accès à l’eau potable. Des certifications ont d’ailleurs été établies pour garantir que les projets de compensation respectent certains critères6. Il est essentiel de se renseigner avant de choisir un programme.
Il y a aussi la possibilité de compenser ses émissions de carbone en encourageant des organismes locaux de protection de l’environnement, comme, vous l’aurez deviné, le Comité régional pour la protection des falaises (CRPF pour les intimes) dont la mission est de protéger les forêts de la région. Une forêt prend des dizaines d’années à se reconstituer : il est donc essentiel de protéger celles qui existent déjà.
Le CRPF lance sa campagne de financement
Le CRPF a lancé sa campagne de financement le 15 octobre. Des annonces ont été publiées sur les réseaux sociaux et des affiches ont été disséminées dans Piedmont, Prévost et Saint-Hippolyte pour inviter les citoyens à soutenir sa mission. Les dons amassés lors de cette campagne serviront à financer le travail quotidien qu’implique la gestion de la Réserve du Parc-des-Falaises.
Pour les dons, c’est ici https://www.parcdesfalaises.ca/index.php/faire-un-don/ ou là
À propos du CRPF – Le Comité régional pour la protection des falaises œuvre depuis 2003 pour la protection et l’utilisation écoresponsables d’un territoire de 16 km² doté de caractéristiques écologiques exceptionnelles et s’étendant derrière les escarpements de Piedmont, de Prévost et de Saint-Hippolyte.
Cet article est publié simultanément dans le Journal des citoyens (Prévost, Piedmont et Sainte-Anne-des-Lacs) et le journal Le Sentier (Saint-Hippolyte).
1. Engagement de 2 milliards d’arbres. Gouvernement du Canada (www.canada.ca/fr/campagne/2-milliards-arbres.html)
2. Planter des arbres pour lutter contre le réchauffement, une « absurdité » ?, Le Devoir, 3 octobre 2023 (www.ledevoir.com/environnement/799259/planter-arbres-lutter-contre-rechauffement-absurdite ?)
3. Compensation carbone : le piège ?, Élément Terre, 8 juillet 2022 (www.france24.com/fr/%c3%a9missions/%c3%a9l%c3%a9ment-terre/20220708-compensation-carbone-le-pi%c3%a8ge)
4 Top 10 des problèmes existants dans l’océan, The Rider Post, 22 novembre 2017 (www.theriderpost.com/disciplines/water/top-10-problemes-locean/)
5. Puits de carbone, Wikipedia (https://fr.wikipedia.org/wiki/Puits_de_carbone)
6. Les standards internationaux, INFCC (www.info-compensation-carbone.com/ecosysteme/les-standards-internationaux-2/)