Le gaz naturel?

Soirée d’information à Prévost

Nicolas Michaud – Le 28 septembre dernier, à la salle Saint-François-Xavier, la Ville de Prévost a convié sa population à une soirée d’information portant sur les impacts sur la santé et l’environnement de l’utilisation du gaz en tant que source d’énergie : https://www.ville.prevost.qc.ca/ma-ville/environnement/decarbonation

Afin de mieux expliquer les motivations de la Municipalité à légiférer sur la décarbonation, deux conférenciers ont accepté l’invitation de venir exposer leur champ d’expertise sur le sujet : Jean-Pierre Finet, un analyste en régulation économique de l’énergie au Regroupement des organismes environnementaux en énergie (ROEÉ), et Dre Louise Lajoie, une spécialiste en santé publique au Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) des Laurentides.

L’art de viser au tir à l’arc ou l’art de manquer sa cible

Le Plan pour une économie verte (PÉV) déposé par le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs du Québec prévoit la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) de 37,5 % d’ici 2030 comparativement à leur niveau de 1990, la baisse des GES de 50 % dans les bâtiments et l’atteinte de la carboneutralité en 2050. Des ambitions qui manqueraient de cohérence avec l’approche du gouvernement selon Jean-Pierre Finet qui considère que le Québec ne parviendra jamais à atteindre ses propres cibles environnementales tant et aussi longtemps qu’il n’y aura pas de modifications réglementaires et législatives pour réduire la consommation de gaz naturel, une source d’énergie émettrice de GES qui est responsable des changements climatiques.

D’ailleurs, le ROEÉ dénonce l’entente conclue entre Hydro-Québec et Énergir, la principale entreprise de distribution de gaz naturel au Québec, pour compenser les pertes de volumes et de revenus de l’entreprise gazière et pour éviter la hausse draconienne des tarifs de sa clientèle. « C’est l’inverse du pollueur payeur, c’est le pollueur payé, donc on paye le pollueur pour ne pas produire », s’indigne cet analyste. Ce dernier croit que cette décision a été motivée par le simple fait que la Caisse de dépôt et placement du Québec est indirectement l’actionnaire majoritaire d’Énergir : « quant à moi, c’est un des investissements les moins logiques de la Caisse de Dépôt d’avoir acheté Énergir parce que c’est comme s’il avait acheté BlockBuster Video ».

Modifier les règles du Monopoly québécois

Contrairement à l’entente prévue sur la biénergie entre Hydro-Québec et Énergir, Jean-Pierre Finet suggère une entente alternative. Il propose l’intégration du gaz naturel au Règlement sur les appareils de chauffage au mazout pour en assurer le bannissement total et permanent, l’installation de thermopompes ou de chaudières chez la clientèle déjà existante d’Énergir et le remplacement du système de chauffage au gaz par un système de chauffage électrique central avec accumulateur de chaleur. Le tout sans la moindre compensation pour les pertes de revenus d’Énergir par les clients d’Hydro-Québec qui devrait s’étendre jusqu’en 2050 pour la somme de 2,41 G$.

De telles mesures seraient hautement bénéfiques pour les personnes qui seraient prêtes à opérer la transition écologique en passant du gaz naturel vers l’électricité. En ce sens, selon ce spécialiste, « pour un client typique à la biénergie en 2022, le surcoût par rapport à un système de chauffage électrique efficace avec gestion de la pointe est en moyenne 5,5 à 8,5 % plus cher jusqu’à 17 % plus cher [et] il en coûte jusqu’à la moitié moins cher en 2022 de recourir à un système de chauffage électrique efficace avec gestion de la pointe que d’utiliser un système de chauffage des espaces au gaz fossile ».

Changer de cap : un navire énergétique qui tourne lentement

Toutes les suggestions de Jean-Pierre Finet suivent rigoureusement les principes directeurs établis par le ROEÉ. Ce regroupement prône la primauté de la conservation et de l’efficacité énergétiques avant toute production d’énergie (même renouvelable) ainsi que la fourniture de services énergétiques durable à prix juste tout en limitant les impacts sociaux et en internalisant les coûts environnementaux dans une perspective de planification intégrée des ressources.

Pour contrer l’inefficacité énergétique, cet analyste préconise des solutions qui mettent l’accent sur l’accumulation de la chaleur, l’amélioration de l’isolation et de l’étanchéité des bâtiments. À cela, il suggère d’ajouter la tarification dynamique, le tarif d’électricité interruptible, l’agrégation et le contrôle des charges électriques chez la clientèle, l’entente d’échange saisonnier de puissance avec l’Ontario, etc.

Le danger est derrière une porte en porcelaine

Avec l’augmentation des GES, « ça ne fait plus de doutes que notre planète subit des grands bouleversements puis que les conséquences sont déjà visibles et on les a vues dans les différents médias : des sécheresses, des tornades, des feux de forêt avec le smog, les orages violents, de la chaleur qui ne se voyait pas dans les Laurentides avant, des inondations, des pluies diluviennes… Donc, à l’échelle des Laurentides, on les a remarqués ces changements-là, et leur fréquence et leur intensité sont appelées à augmenter de façon substantielle dans les prochaines années. » C’est de cette manière que Dre Louise Lajoie avertissait le public contre l’avènement de ces événements climatiques extrêmes.

Elle met également en garde la population contre l’apparition de nouvelles maladies transmises par des espèces exogènes qui s’implantent graduellement sur le territoire québécois en raison de la hausse des températures qui leur confère un meilleur habitat. Cette spécialiste sonne aussi l’alarme contre l’augmentation des particules polluantes dans l’atmosphère qui entraînera plus de maladies infectieuses et respiratoires, ce qui se traduira par plus d’hospitalisations et de décès. Enfin, cette docteure rappelle que si les répercussions des changements climatiques sont bien connues, ces dernières ne sont pas nécessairement senties de la même manière par tout le monde et qu’il conviendrait donc de lutter contre les inégalités sociales de santé.

print