La MRC, bibitte politique

Le préfet de la MRC des Pays-d’en-Haut, André Genest

Entrevue avec André Genest, préfet de la MRC des Pays-d’en-Haut

Nicolas Michaud – Le 4 octobre dernier, à Sainte-Adèle, au siège social de la municipalité régionale de comté (MRC) des Pays-d’en-Haut, André Genest a partagé sa vision et les principaux défis qui touchent sa contrée.

Natif de la région, cet ex-éducateur en centre jeunesse a d’abord été élu en tant que conseiller municipal à Wentworth-Nord en 1990 avant d’en devenir le maire deux ans plus tard : un poste pour lequel une pluralité de ses concitoyens accordera leur confiance à six reprises. En 2017 et en 2021, il remporte successivement les élections à la préfecture de la MRC des Pays-d’en-Haut, une fonction qu’il occupe encore aujourd’hui.

Un préfet nommé ou élu ?

Sur les 87 MRC qui existent au Québec, il y en a 18 qui ont actuellement à leur tête un préfet élu au suffrage universel. Si c’est présentement le cas de la MRC des Pays-d’en-Haut, il n’en a pas toujours été ainsi comme le raconte André Genest. Autrefois, le préfet était désigné parmi les maires qui composaient le conseil de la MRC. Ce préfet nommé portait donc deux chapeaux : celui de maire de sa municipalité et celui de préfet de sa MRC. Étant, avant toute chose, un maire élu par sa population, ce dernier pouvait privilégier les préoccupations locales de sa municipalité au détriment des intérêts régionaux de la MRC. 

De nos jours, le préfet est élu et celui-ci bénéficie d’un appui démocratique étant donné qu’il est choisi par l’ensemble des citoyens qui résident au sein de la MRC. Il jouit donc d’un poids politique à caractère supralocal qui devra nécessairement être considéré dans les jeux de pouvoir. Cette légitimité s’illustre notamment par la durée des mandats : il est de quatre ans pour les préfets élus au suffrage universel et de deux ans pour ceux nommés par leurs pairs au conseil de la MRC.

Puis, « l’avantage que je trouve le plus évident, c’est que ça nous donne beaucoup plus de temps à consacrer à la MRC », note André Genest. Dans cette optique, un préfet nommé cumule déjà deux postes, voire un troisième dans le cas des petites municipalités. « Comment est-ce que tu es capable de concilier tout ça, ce n’est pas évident », explique-t-il, « à moins d’être retraité ».

Mutualisation des ressources de la MRC

D’abord, il y a le dossier des matières résiduelles. À ce sujet, le préfet indique qu’« étant donné que c’est géré par la MRC, il y a des économies assez importantes. Il y a des municipalités, présentement, qui sont incapables d’avoir de contrats au niveau de l’enlèvement des matières résiduelles parce qu’ils n’ont pas de volumes assez importants tandis qu’ici… probablement qu’on a des économies d’environ 25 % en étant regroupées quand on va en soumission. C’est beaucoup plus intéressant ! »

Ensuite, sur le dossier des schémas de couverture de risques d’incendie, le préfet élu déclare qu’un gros travail de collaboration est en cours au sein de la MRC, et ce, en particulier sur les règlements d’aménagement pour réduire les probabilités et les dommages d’incendie dans cette région forestière. Toutefois, il signale que c’est surtout le manque de personnel qui cause le plus de problèmes : « Y’a beaucoup de municipalités qui ne sont pu capables d’avoir de pompiers volontaires, les pompiers à temps partiel. Donc, ça prend des regroupements ! Est-ce que ça va être des regroupements de trois, quatre municipalités ? Est-ce que ça devrait être un regroupement de la MRC au complet ? Pour les déficiences ou les inefficacités de ce genre, c’est peut-être beaucoup mieux que ce soit au niveau de la MRC au complet. »

Concernant le dossier du développement économique, il constate qu’un grand nombre de petites municipalités ne disposent pas des moyens financiers et humains pour assurer leur essor. Ainsi, dans les Pays-d’en-Haut, deux municipalités qui comptent une population de moins de 300 habitants, soit Estérel (232) et Lac-des-Seize-Îles (159), ne sont guère en mesure de subvenir, seules, à leur épanouissement économique.

En somme, comme le résume si bien André Genest, le mandat de la MRC est essentiellement de rassembler, de mobiliser et de favoriser la concertation entre les municipalités en vue de coordonner et de réaliser des actions communes en matière régionale. De cette manière, la MRC procure une économie d’échelle pour l’ensemble de ces entités locales qui mutualisent leurs services et qui se divisent les coûts sans qu’il soit nécessaire pour chacune d’entre elles de gérer individuellement et à leurs frais ces mêmes services. À ce sujet, le préfet cite en exemple, ce qui est pour lui, l’exploit le plus connu de sa MRC : le Centre sportif des Pays-d’en-Haut.

Dossier de prédilection : le logement et l’itinérance

En dépit des unités du Programme de supplément au loyer (PSL) qui sont confiées à l’Office municipal d’habitation (OMH) de la région, André Genest juge que ce n’est pas suffisant pour augmenter l’offre et l’accessibilité des foyers abordables dans les Pays-d’en-Haut et dans les Laurentides. « On voudrait que les pouvoirs de la MRC soient l’équivalent des pouvoirs des municipalités au niveau du logement », plaide le préfet qui croit fermement qu’« on aurait beaucoup avantage à ce que ce soit la MRC qui s’en occupe. Ça n’empêche pas que les services peuvent être différents quand même dans chacune des municipalités, mais il y aurait des avantages. Si on regarde, à l’heure actuelle, la majorité des logements à prix abordables se retrouvent à Sainte-Adèle. Est-ce que c’est à Sainte-Adèle de tout payer pour donner des services à des gens qui sont moins fortunés ? Pas sûr que ce soit la bonne idée. »

Si dans l’imaginaire collectif québécois, l’itinérance correspond surtout à une triste réalité montréalaise ou de grands centres urbains, il s’agit également d’une problématique qui touche les Laurentides. Toutefois, celle-ci ne serait pas aussi perceptible dans cette région. En effet, beaucoup de gens sans domicile fixe se logeraient clandestinement dans les forêts laurentiennes, dans des tentes ou des abris de fortune, tandis que d’autres préféreraient dormir dans leur voiture. Selon les plus récentes données obtenues en 2022 par le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec, il y aurait au moins 464 personnes en situation d’itinérance visible dans la région administrative des Laurentides, soit une augmentation de 109 % depuis le dernier recensement en 2018.

Relations avec les deux paliers gouvernementaux

En 2023, avec une population de 48 206 âmes répartie sur une superficie terrestre de 674,28  kilomètres carrés, la MRC des Pays-d’en-Haut serait un véritable casse-tête pour les députés provinciaux et fédéraux qui se doivent d’aller à la rencontre de leurs citoyens et de leurs représentants municipaux. Cette réalité compliquerait le dialogue entre la MRC et les élus des gouvernements du Québec et du Canada, une situation décriée par le préfet de la MRC des Pays-d’en-Haut : « c’est particulièrement difficile avec ceux qui sont aussi ministres parce que là, y’ont pas nécessairement beaucoup de temps à consacrer localement […] On les voit parfois dans des réunions, mais très, très peu… Généralement, c’est quand ils viennent couper des rubans pis des choses comme ça. À part ça, ils sont vraiment très occupés. C’est très difficile d’avoir des rendez-vous. »

Estimation du nombre de personnes en situation d’itinérance visible, selon la région administrative * Nouvelle région participante depuis l’exercice de 2018. ** Nouvelle région participante depuis l’exercice de 2018. Cette région n’a pas fait de sillonnage. – Source : Ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec


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