- Solution au danger - 22 novembre 2024
- Le jeu des accents - 18 octobre 2024
- Franciser - 21 septembre 2024
Gleason Théberge – Certaines habitudes nous font répéter sans qu’on s’en aperçoive des idées qui n’ont pas besoin de cette insistance. On annonce ainsi qu’on descend en bas, au lieu de dire au sous-sol, par exemple. De même, on monte en haut, au lieu de dire qu’on monte l’escalier, à l’étage ou qu’on monte, tout simplement. Quand on s’en rend compte, on se dit que ce n’est pas grave, et c’est vrai, mais l’insistance n’ajoute rien au message. Il le prive plutôt de précisions qui informeraient davantage sur ce dont on parle.
On dit aussi qu’on sort dehors, alors que sortir signifie précisément qu’on quitte un endroit, comme la signalisation Sortie dans les édifices publics indique par où passer pour se rendre à l’extérieur.
Il en est de même pour des expressions comme voir de ses propres yeux, dont on peut s’étonner qu’on puisse voir autrement qu’avec ses yeux; s’entraider ensemble, faire des projets d’avenir ou au jour d’aujourd’hui, où déjà jouret le vieux mot hui répètent la référence au moment présent. Tout comme d’abord pour commencer, toutes ces expressions ont le défaut de répéter une information.
C’est aussi le cas du discret s’avérer vrai, utilisé pour dire qu’une hypothèse a été démontrée comme exacte. Or, c’est précisément le sens du verbe avérer : considérer une chose comme ayant été confirmée vraie ou fausse. On peut ainsi dire ou écrire qu’une affirmation a été avérée fausse, mais n’oublions pas qu’avérer ou s’avérer employés seuls impliquent déjà que l’affirmation est vraie : dès le lendemain, la prévision a été avérée.
On entend aussi qu’on ajoute l’insulte à l’injure. Cet usage de deux mots ayant le même sens en français veut reprendre l’anglais insult to injury, où injury signifie blessure. Dire ainsi qu’on ajoute les insultes aux coups donnés témoignent d’une violence aggravée, que la « traduction » maladroite n’implique pas. Insulter et injurier en reviennent tous deux à offenser verbalement. Ce mauvais transfert témoigne de l’habitude de confondre par ressemblance sonore des mots anglais et français de sens différents. Ils appauvrissent notre langue.
Mais d’après moi, la plus pernicieuse est la déclaration qui suit un drame survenu dans un endroit public. On a coutume d’entendre alors que la victime s’est malheureusement trouvée au mauvais moment, au mauvais endroit. Or, une seule de ces déclarations suffit. Pour la personne le fait de s’être retrouvée à ce moment-là au mauvais endroit évoque déjà le hasard fatal; tout autant que déclarer qu’elle était à cet endroit à un mauvais moment.
Comme le dit le message d’intérêt public, la sobriété a bien meilleur goût.