Regard critique de Fondation Rivières

En 2014, un glissement de terrain s’est produit en bordure de la rivière du Nord à Piedmont. Ce phénomène naturel aurait pu rompre une importante conduite des eaux usées qui passe à cet endroit, ce qui aurait provoqué des conséquences écologiques désastreuses sur la qualité de l’eau –photo : Michel Fortier

La raison d’être des organismes de bassins versants : un coup d’épée dans l’eau ?

Nicolas Michaud – Après la publication, le 11 août 2023, de son rapport sur la qualité bactériologique de l’eau dans la rivière du Nord, la Fondation Rivières interpelle l’État québécois pour que ce dernier accorde davantage de pouvoirs aux organismes de bassins versants.

Actuellement, les 40 organismes de bassins versants (OBV) officiellement reconnus par le gouvernement du Québec demeurent responsables de la planification et de la coordination de la gestion intégrée de l’eau. Fière de son expertise acquise au cours des années, la Fondation Rivières réclame au ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs de réviser et d’élargir le mandat de ces OBV.

Les bons coups d’un valeureux chevalier

D’après Philippe Maisonneuve, le conseiller en politiques publiques et qualité de l’eau chez Fondation Rivières, les OBV sont en mesure de brosser le portrait général des cours d’eau à travers l’élaboration de leur Plan directeur de l’eau (PDE). Sur ce même avis, les OBV excellent dans leurs interventions au sujet de la sensibilisation environnementale et de l’éducation citoyenne, puisque ce sont principalement des organismes de concertation. Par conséquent, ceux-ci vulgarisent les analyses de données, élaborent des outils appropriés aux besoins des acteurs concernés, et épaulent les décideurs politiques dans leurs projets de restauration des milieux naturels, d’adaptation de la réglementation et d’aménagement du territoire.

Les moins bons coups d’un chevalier couard

Si les OBV respectent relativement bien leur mandat de concertation, ce dernier «n’est pas suffisant pour préserver la ressource parce que si on attend qu’il y ait un compromis de tous les acteurs autour de la table, ce compromis-là sera nécessairement au détriment de l’environnement », remarque Philippe Maisonneuve. Ce biologiste croit sincèrement que la concertation ne devrait pas être le seul outil mis à la disposition des OBV pour arriver à leurs fins.

En ce qui a trait aux paramètres de suivi sélectionnés par les OBV, leurs mesures offrent une bonne impression générale pour comprendre l’impact des pressions humaines sur les cours d’eau. Cependant, comme l’explique ce conseiller en politiques publiques et qualité de l’eau, « généralement, ce qui manque peut-être dans ces programmes de suivi là, ce n’est pas nécessairement le nombre de paramètres […] ce qui manque à notre avis, à la Fondation Rivières, c’est d’avoir aussi la capacité d’enquêter sur ce qui cause ces dégradations-là et avoir des interventions sur le bassin versant qui permettent d’éliminer les sources de contamination ».

À cet égard, par leurs prises de mesures, les organismes de bassin versant feraient un excellent travail de documentation sur l’évolution de la qualité de l’eau. Or, à partir du moment où les OBV notent une dégradation de la qualité de l’eau, ceux-ci ne devraient pas se contenter de l’observer et de la mesurer mois après mois, année après année. Il conviendrait donc que ces organismes puissent évaluer l’atteinte de leurs cibles et déterminer les moyens à prendre en considération afin d’y parvenir.

Pour mieux illustrer son dernier propos, Philippe Maisonneuve scande une simple analogie : « Un peu comme le ferait un médecin : du moment où on constate qu’il y a une maladie, y’a eu un diagnostic. Le diagnostic, ce n’est pas tout ! Il y a aussi toute une série de mesures, il y a un traitement qui doit être prescrit et puis ce traitement-là, on doit mesurer aussi les effets, donc le succès de ce traitement-là. Mais c’est la même chose avec une rivière ! Du moment où on constate qu’il y a une dégradation de la qualité de l’eau de l’amont vers l’aval, on doit identifier qu’est-ce qui cause ça. Est-ce que c’est l’agriculture ? Est-ce que c’est les municipalités qui rejettent des eaux usées ? Est-ce que ce sont des causes plus naturelles ? On doit cerner ces causes-là puis agir ces causes-là ! Pour améliorer la qualité de l’eau. »

En somme, les OBV ne devraient pas seulement se comporter en tant qu’observateurs, mais aussi en tant qu’acteurs ayant le pouvoir de sanctionner : une sorte de « police de l’eau ». Ou un chien de garde qui ne ferait pas qu’aboyer, mais qui pourrait mordre les contrevenants.

Les débuts d’un apprenti chevalier

Pour ce titulaire d’une maîtrise en écologie fluviale de l’Université de Montréal, il se montre « en faveur d’une meilleure collaboration entre les scientifiques et la population ». Dans cette vision de la science citoyenne, les naturophiles ou les riverains deviennent des « sentinelles de premier ordre », puisqu’ils sont souvent les premiers à constater les effets indésirables de la pollution dans les cours d’eau. Ainsi, ces citoyens scientifiques pourraient être mis à contribution dans la collecte des prélèvements d’eau et la compilation des données. Par la suite, ces personnes pourraient être accompagnées dans leurs démarches par un expert chargé d’interpréter les résultats et d’agir en conséquence… à l’instar de la mission du Réseau de surveillance volontaire des lacs (RSVL).

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