Une exigence gouvernementale pour les municipalités

Jacinthe Laliberté
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Jacinthe Laliberté – Les barrages, un sujet très chaud pour un été chaud. La Municipalité de Sainte-Anne-des-Lacs, avec ses nombreux lacs, n’y échappe pas. Elle doit se conformer, comme bien d’autres Municipalités, aux exigences gouvernementales, pour quatre de ses lacs.

Depuis 2018, les Municipalités ont reçu, à maintes reprises, des demandes de vérification de sécurité pour certains de leurs barrages. Peu d’entre elles s’y arrêtèrent. En 2022, le gouvernement a durci le ton en apportant des modifications législatives à sa Loi sur la sécurité des barrages (projet de loi no102). Étaient principalement concernés les barrages à forte contenance. 

Par ces modifications, le ministère de l’Environnement oblige l’évaluation de la sécurité et également la transmission des documents relatifs aux études de sécurité des barrages. La Municipalité de Sainte-Anne-des-Lacs, n’étant pas exempte de ces obligations, doit se conformer avant le 31 décembre 2023. 

Pour tout manquement aux exigences gouvernementales, des sanctions administratives pécuniaires sévères seront imposées (Info-Barrages, gouvernement du Québec).

Des barrages municipaux

Les barrages des lacs Johanne, Loiselle, Colette et Suzanne ont été désignés, selon des critères établis par le ministère de l’Environnement, comme étant des ouvrages hydrauliques de forte contenance. 

Actuellement, ces barrages font partie des infrastructures de la Municipalité. Étant situés près d’un chemin municipalisé, ces barrages sont donc de juridiction municipale. Tel est le cas du lac Johanne qui est ceinturé de trois chemins et dont l’exutoire (dispositif de déversement et d’évacuation d’eau) est situé sous le chemin des Pinsons. 

Pour le lac Loiselle, les raisons sont toutes autres. Comme le barrage de ce plan d’eau se déverse vers le cœur du village, s’il cède, il pourrait fragiliser voire détruire les infrastructures situées sur son parcours comme les installations du parc Henri-Piette et la bibliothèque. De ce fait, la Municipalité a une responsabilité civile d’autant plus importante pour ce barrage. De plus, il est à noter que la Municipalité possède un terrain aux abords de ce lac.

Le référendum, la voix de la collectivité 

L’estimation des coûts de ces études fut présentée aux citoyens par le biais du tableau « Estimé des coûts-études de sécurité ». Les coûts attribués pour chacune des études sont notables, ce qui oblige la Municipalité à procéder à des emprunts. 

Pour ce type d’emprunts, une procédure s’impose : la signature d’un registre, processus légal pour tout règlement d’emprunt, qui peut se finaliser par la tenue d’un référendum selon le nombre de signatures amassées. 

Selon le conseiller Jean-Sébastien Vaillancourt, le 30 % qui réfère à la part payée par la Municipalité (voir tableau) n’est pas le fruit du hasard. Concrètement, selon une procédure légale, si moins de 25 % de la facture est attribuée à l’ensemble de la Municipalité, il est, d’ores et déjà, impossible de permettre à l’ensemble des citoyens de venir signer le registre et donc d’obtenir un référendum. 

« Il n’y a pas de consensus au niveau de la population. Les citoyens riverains ne veulent pas payer l’entièreté de la facture et les citoyens non riverains ne veulent pas payer pour les barrages. Donc, la signature d’un registre était souhaitable, » d’expliquer la directrice générale Anne-Claire Robert.

Or, le 4 août, seulement quatre signatures ont été recueillies pour chacun des lacs selon la directrice générale quand le seuil fixé, par une mesure administrative, était de 228 pour permettre le referendum.

Les arguments des riverains

Le CRE Laurentides a répertorié, en 2019, 387 milieux humides qui alimentent les 96 plans d’eau naturels ou artificiels sur le territoire de Sainte-Anne-des-Lacs. Trente-sept lacs s’étendent sur plus d’un hectare dont vingt-huit possèdent un toponyme officiel. 

Selon les riverains, considérant la topographie de la municipalité, la répartition du réseau hydrographique en cinq bassins versants démontre que l’eau n’est pas, exclusivement, concentrée dans un lac. Partant d’un lac de tête, l’eau se déverse d’un lac à un autre en passant soit par un milieu humide soit par un ruisseau ou par un étang. Pratiquement, elle se verse partout où va son chemin. 

« Il est impossible de scinder l’appartenance de l’eau. De par l’existence de ses bassins versants et l’interdépendance entre ceux-ci, la protection de l’eau est un enjeu concernant l’ensemble de la population, » d’expliquer John Dalzell, président de l’Agence des bassins versants de Sainte-Anne-des-Lacs.

D’autre part, la destruction des barrages qui mènerait à l’assèchement de ces lacs a été évoquée par la mairesse et le conseiller Vaillancourt en ces termes : « Sainte-Anne-des-Lacs sans ses lacs n’est plus Sainte-Anne-des-Lacs. Devrons-nous prendre la décision d’assécher ces lacs ? » ne semble pas une alternative envisageable pour les riverains et les bénévoles impliqués dans la protection de l’eau des lacs. 

 « Le territoire de Sainte-Anne-des-Lacs est un immense écosystème. La destruction ne serait-ce que d’un lac provoquerait la mort d’une partie de cet écosystème. Les bassins versants sont une réalité qui ne peut être ignorée, » d’expliquer John Dalzell.

Cette déclaration porte à réflexion. La disparition d’un barrage, donc d’un lac, occasionnerait-elle la dépréciation de la valeur des résidences aux abords de ce lac asséché ? Or, une perte d’évaluation et de taxes foncières provoquerait, assurément, une perte de revenu qui toucherait, le propriétaire autant que la collectivité.

Une réunification de la population

Selon les maires de différentes municipalités, le coût des rénovations qui s’ensuivront est beaucoup trop important pour que la facture soit payée, en grande partie par les riverains. Les dirigeants doivent se tourner vers le gouvernement pour que celui-ci soutienne financièrement ses demandes. Le PAFMAN (voir le tableau) est une des solutions envisagées par les élus. 

Pour obtenir gain de cause, ces dirigeants ont besoin du soutien de la population pour que leurs revendications soient attendues par les instances gouvernementales, d’où la nécessité que sa population s’unisse. L’adage ne dit-il pas : « L’union fait la force. »

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