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Nicolas Michaud – Rodolphe Parent, président bénévole de la Ligue d’action civique et diplômé d’une maîtrise en science politique à l’Université de Montréal, s’est entretenu brièvement avec le Journal des citoyens.
En 2021, près de 38,7 % des citoyens et citoyennes ont exprimé leur droit de vote lors des élections générales municipales qui ont eu lieu sur l’ensemble du Québec, soit bien en deçà des taux de participation enregistrés pour les dernières élections générales canadiennes (62,6 %) et québécoises (66,2 %). D’après Rodolphe Parent, cette très faible participation électorale est une conséquence manifeste du manque d’intérêt envers la politique municipale qui découlerait elle-même de la représentation juridique puis mentale qui a été faite de ces entités locales.
De la conception du droit…
Le paragraphe 8 de l’article 92 de la Loi constitutionnelle de 1867 stipule qu’il est du ressort exclusif de la législature des provinces d’adopter des lois concernant les « institutions municipales dans la province ». Ce pouvoir accordé aux autorités provinciales dans la loi suprême du pays est la raison principale pour laquelle il est devenu courant et usuel de qualifier la Municipalité comme étant une créature des provinces ou une créature de la loi.
D’un océan à l’autre, bon nombre de tribunaux illustrent clairement la prépondérance et les effets de cette doctrine en faisant référence à ce statut de « créature » à plusieurs reprises dans différents jugements. Ainsi, dans l’arrêt Godbout c. Longueuil (Ville) de 1997, le plus haut tribunal du pays, en l’occurrence la Cour suprême du Canada, soulignait que « les municipalités sont des créatures des provinces dont elles tirent leur pouvoir de légiférer; c’est-à-dire qu’elles exercent des pouvoirs et des fonctions confiés par les législatures provinciales dont ces dernières devraient autrement se charger […] Bien que les municipalités constituent, pour certaines fins, un niveau de gouvernement distinct, elles ne jouissent d’aucun statut constitutionnel; elles sont simplement des « créatures des législatures » qui n’ont aucune existence indépendante de la législature ou du gouvernement d’une province. »
… jusqu’aux mentalités
De l’avis de Rodolphe Parent, il faut « bannir ce discours irresponsable ou irresponsabilisant » selon lequel les municipalités ne sont que des créatures des provinces. Cette expression serait de maintes façons préjudiciable à la vitalité démocratique, puisqu’elle suggérerait une vision réductrice du pouvoir municipal qu’il considère bel et bien comme étant un ordre de gouvernement aussi légitime que l’ordre provincial et fédéral. À cet effet, en minimisant la reconnaissance et le poids politique des municipalités en tant qu’organes délibérants et législatifs démocratiquement élus, cela incite à la fois au désengagement citoyen, à l’affaiblissement du contrôle exercé sur le processus décisionnel municipal ainsi qu’à la déresponsabilisation des personnes élues à rendre des comptes.
En outre, selon le président de la Ligue d’action civique, la doctrine actuelle perpétue l’idée simpliste et fausse que les municipalités n’agissent qu’en qualité d’organes administratifs au service des provinces tout en omettant leur nature fondamentalement politique. Cette conception singulièrement gestionnaire des responsabilités municipales fait en sorte que leur rôle se résume uniquement à des enjeux mineurs qui n’impliquent que des mesures apolitiques et pragmatiques. Il importerait donc de politiser davantage les instances municipales, puisque cette façon de procéder favorise l’émergence d’un consensus imaginaire au détriment d’une réelle diversité d’opinions « alors que, dans une ville, il y a plein de gens qui sont en désaccord, dans un conseil municipal, tout est souvent adopté à l’unanimité ».
Une transformation est en cours
En 2017, ce politologue porte une attention particulière au projet de loi 122 déposé par l’ex-ministre libéral des Affaires municipales et de l’Occupation du territoire, Martin Coiteux. Ce dernier désignait d’ailleurs son projet de loi comme étant « la fin des créatures du gouvernement » et une étape décisive vers la reconnaissance par l’État québécois des municipalités en tant que « gouvernements de proximité ». Depuis cette date, si l’autonomie des municipalités a substantiellement été augmentée, Rodolphe Parent constate néanmoins que beaucoup de personnes élues continuent de diriger leur ville comme étant une simple entreprise de gestion : « les villes ont de nouveaux pouvoirs, mais encore plein d’élus manquent de courage politique : ils quémandent tout au gouvernement du Québec alors qu’ils devraient agir en tant que vrai gouvernement de proximité ».