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Lyne Gariépy
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Il y a plus d’un siècle, autour du monde

Lyne Gariepy et Joanis Sylvain  À quoi ressemblaient les années entre 1860 et 1905, soit autour de l’ère victorienne, dans différents pays ?

Si vous suivez cette chronique régulièrement, vous connaissez mon amour (Ciné-fille), pour les films et séries d’époques. Ajoutez à cela l’appréciation de ciné-gars pour le Far West, et vous avez un terrain fertile en suggestions de visionnement. Nous vous suggérons donc la suite de Paris police 1900, Paris police 1905, qui, comme son titre l’indique, se déroule en France. Aussi, le film Deadwood, qui clôt la série du même nom sur la fondation de cette ville du Far West américain, ainsi que le film The Wonder, qui se déroule en Irlande.

Paris police 1905

Série, 2022, thriller, historique, drame, policier, France, 6 épisodes de 52 minutes, suite de Paris police 1900, sur tou.tv extra. De : Fabien Nury; interprètes : Jérémie Laheurte, Evelyne Brochu, Thibaut Evrard.  

Synopsis – Noël 1904, un bébé meurt seul dans un appartement. Sa mère a été embarquée par la police des mœurs. Le même jour, un jeune homme anonyme est retrouvé mort au Bois de Boulogne enneigé, entre le quartier des prostituées et celui de ceux qu’on appelle encore les invertis, les homosexuels. La police veut classer l’affaire comme suicide. Mais l’inspecteur Jouin, de la brigade criminelle, flaire autre chose, qui l’entraînera dans un territoire clandestin et secret, où le Tout-Paris vient assouvir ses pulsions 

Ciné-fille – Dans Paris police 1900, nous découvrions Antoine Jouin, policier incorruptible moqué par des collègues corrompus, mais déterminé à trouver la vérité. On nous présentait la face sombre d’une France tombée dans l’antisémitisme, se déchirant autour de l’affaire Dreyfus avec des hommes politiques épouvantables. Paris police 1905, aborde les thématiques de l’homosexualité, de la prostitution et de la syphilis, sujets plutôt rares pour des séries d’époque, le tout sur fond de rivalité entre la Préfecture de police de Paris et la Brigade des mœurs (corrompue), lors de la Troisième République en France.

Une saison toujours aussi esthétique, qui conserve la rigueur historique, le détail des reconstitutions, des costumes parfaits, tout en soulignant la noirceur et le côté glauque de la transition entre l’ère victorienne et les Années folles. À la fois thriller et récit historique, Paris Police 1905 continue de suivre les destins qui se croisent d’une courtisane ratoureuse (excellente Evelyne Brochu), chez qui le beau monde accourt, de son mari artiste, d’un préfet usé et du policier Jouin, incorruptible. L’ancien membre de la brigade des mœurs et homme de main de madame Steinheil, la courtisane, Joseph Fiersi prend davantage de place dans l’histoire, et ajoute une dimension plus musclée, avec l’interprétation forte de Thibaud Evrard. 

Encore une fois, Paris police 1905 est un parfait mélange entre la vraie histoire, grâce à certains personnages, faits divers et inventions ayant réellement existés (les carrefours giratoires !) et la fiction. La réalisation est sans longueur, captivante. À visionner en rafale !  9,5 sur 10

Ciné-gars – Nous retrouvons « pompe funèbre », que nous suivrons moins dans cette saison que dans la précédente. Son contrôle sur les évènements et sur les gens est moindre : alors qu’elle menait ses courtisans d’une main de fer en 1900, elle subit des revers du sort en 1905.

Excellent casting pour l’interprétation de chacun des personnages, ceux-ci ayant tous des caractéristiques spéciales. Série bien campée dans des décors et des costumes qui nous ramènent en 1905.  8 sur 10

Deadwood, le film

(vf. Deadwood, The movie) Téléfilm, 2019, western, policier, historique, drame, États-Unis, 1 h 50 minutes, HBO max. De : Daniel Minahan; par : David Milch; interprètes : Ian McShane, Timothy Olyphant, Molly Parker.

Synopsis – Le 2 novembre 1889. Les personnages qui ont fait la réputation de Deadwood s’y re-trouvent pour célébrer l’accession du Dakota du Sud au statut de 40e État. 10 ans après la série du même nom, on retrouve Bullock, Sol Star, Calamity Jane et Al Swearengen. Les anciennes rivalités reprennent, les vieilles blessures se rouvrent et les anciennes alliances sont mises à l’épreuve.

Ciné-fille – Deadwood, le film, vient clore la série diffusée entre 2004 et 2006. Nous y retrouvons tous les personnages, dont Bullock (parfait Timothy Olyphant), à la réplique acerbe et la gâchette rapide. Le franc-parler des personnages féminins et leurs places dans l’établissement de cette ville est intéressants.

Car Deadwood est bien une ville du Dakota du Sud, et la série, tout comme le film, nous présente majoritairement des personnages ayant vraiment existé. En version romancée, évidemment ! Si vous le désirez, renseignez-vous sur cette ville à la fondation intéressante, et représentant bien le Far West de l’époque et sa création.

Les costumes et décors sont justes. Un incontournable pour les adeptes de la série.  7,5 sur 10

Ciné-gars – Enfin, nous avons une conclusion à la série Deadwood, que j’avais adorée. De retour au Far West, avec le maréchal Bullock, à la gâchette rapide, ainsi que Swearengen, tenancier du Saloon, qui, sous des allures de mécréant, travaille au maximum dans l’intérêt de la ville. 

Ce fut un plaisir de revoir les personnages principaux, bien interprétés, dans des décors et costumes parfaits, une dernière fois.  8 sur 10

The Wonder

Film, 2022, thriller, drame, historique, Irlande, Royaume-Uni, États-Unis, 1 h 04 minutes, Netflix. De : Sebastián Lelio, par : Alice Birch, Sebastián Lelio; interprète : Niamh Algar, Florence Pugh, David Wilmot.

Synopsis – 1862, 13 ans après la Grande Famine. Lib Wright, infirmière anglaise, est appelée dans les Midlands irlandais par une communauté dévote pour passer 15 jours au chevet de l’une des leurs, Anna O’Donnell. Cette jeune fille de 11 ans prétend ne rien avoir mangé pendant quatre mois et avoir survécu par miracle. Alors que la santé d’Anna se détériore rapidement, Lib est déterminée à découvrir la vérité, bousculant la foi d’une communauté qui préférerait s’en tenir à ses croyances. (Exceptionnellement, seulement ciné-fille critiquera le film The Wonder.)

Ciné-fille – The Wonder, est adapté du livre éponyme de l’autrice irlandaise Emma Donoghue. Quoiqu’ils ne soient pas inspirés directement d’une histoire vraie, le livre, et le film, font référence aux « fasting girls », ou « filles à jeun », phénomène apparu au XVe siècle avant de disparaître au XXe siècle. Les cas répertoriés étaient souvent liés à des éléments religieux. Ces jeunes filles prétendaient être investies d’une mission divine. Considérées comme des saintes, elles profitaient d’une notoriété publique. De nombreux curieux accouraient pour vérifier le phénomène et demander l’absolution. Bien sûr, tous les cas se sont avérés faux. Ces manipulations étaient principalement orchestrées par les parents, pour différentes raisons. 

Dans The wonder, le Chilien Sebastián Lelio met en scène le poids de la religion contre celui de la science, dans une Irlande traumatisée par la famine. Ce n’est pas un film sur la religion, mais sur le rapport complexe qu’entretiennent les humains avec la vérité et leurs systèmes de croyances. Entre thriller psychologique et drame d’époque, le film est fait de séquences et de plans forts, marquants et significatifs. Dès le début du film, le réalisateur brise le quatrième mur, procédé qui nous fait voir l’envers du décor, mais qui nous permet aussi de pénétrer dans l’histoire plus facilement. Mais le film n’est pas facile pour autant, avec une lenteur nécessaire et des éléments durs, qui font partie du récit et de la beauté du film. Il faut observer attentivement, et porter attention aux non-dits.

La beauté brute et lugubre des paysages irlandais est magnifiquement mise en valeur par la photographie d’Ari Wagner. Un air gothique rappelle Les hauts de Hurlevent. Les costumes et décors sont parfaits. L’actrice Florence Pugh est excellente, touchante, dans le rôle de Lib, féministe avant son temps. La jeune Kíla Lord Cassidy (Anna) offre, quant à elle, une performance tout aussi juste. Et l’histoire ? Sombre et lumineuse à la fois.  9 sur 10

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