Le carré de la télévision

Gleason Théberge
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Gleason Théberge – Il a plu définitivement fort hier !, dit le présentateur du bulletin de nouvelles. Absolument, répond la chroniqueuse météo. Et les deux font preuve d’une exagération non contrôlée. Définitivement, en fait, veut dire : qui ne connaîtra pas de retour (La dernière querelle de ces deux amis les a définitivement séparés. Ils ne se sont ensuite jamais revus ni reparlé). C’est sous l’influence du «definitly» anglais (encore !) qu’au Québec, on entend définitivement au lieu d’assurément, tout à fait ou vraiment

Absolument, quant à lui, signifie : obligatoirement (Il veut absolument vous rencontrer); ou tout à fait (Jacques Ferron écrivait absolument ses textes à la main avant de les faire dactylographier par sa fille Martine). On comprendra que répondre absolumentpour approuver une affirmation d’un autre pourrait simplement être remplacé par en effet, eh oui, c’est vrai. À nos journaux télévisés, c’est pourtant cet absolument que souvent l’on entend de la part d’un journaliste s’apprêtant à donner des détails d’une nouvelle annoncée. 

Tout comme c’est Écoutez qui débute souvent la réponse d’une personne reçue en entrevue. Il faut dire que dans les conversations publiques, de nombreuses expressions comparables (genre, eh bien, on s’entend) servent à meubler un éventuel moment de silence; tout comme l’usage d’un simple E, parfois prolongeant la voyelle du dernier mot jusqu’à ce que la suite vienne. Chez les nés anglophones, comme Justin Trudeau, il s’agit plutôt d’un A correspondant au I (je anglais). Et bien que cela paraisse banal, le choix spontané du E ou du n’en révèle pas moins la langue dominante de celui qui parle. Après tout, le En’est-il pas la lettre la plus fréquente en français!

Il en est d’ailleurs de même pour les messages publicitaires conçus aux États-Unis ou en Ontario. On y entend du français, mais il est toujours évident que ce sont des voix superposées qui vantent les produits. L’audace de la forme du message est un tout autre indice, puisque les agences de publicité québécoises se démarquent depuis longtemps en originalité, la plupart du temps plaisante.

Quant aux messages écrits de certains commerciaux, la majuscule utilisée à chaque mot en dénonce la provenance anglaise ou tout au moins la méconnaissance des subtilités du français. L’anglais ignore qu’en français la minuscule domine pour tout ce qui n’est pas un nom propre ou un simple début de phrase. Sous cet aspect, malgré qu’aucune langue ne soit supérieure à une autre, on peut dire qu’à l’élégance ronde du français, l’anglais préfère le carré.

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