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Dans l’univers de la danse
Carole Trempe – Ex Machina et Côté Danse en coproduction avec Dvoretsky Productions ont présenté Hamlet-Première Ébauche, les 26, 27 et 28 juillet 2023 dans le cadre de la 32e édition du festival des Arts de Saint-Sauveur.
Robert Lepage signe la mise en scène et Guillaume Côté la chorégraphie. Il s’agit d’une deuxième collaboration entre ces deux géants. La complémentarité et la complicité de ces fameux créateurs nous entraînent dans l’univers de Shakespeare pour présenter Hamlet-Première Ébauche. Nous assistons à la première mouture de cette œuvre dont le travail de création continuera de se développer, au-delà du festival.
Cette histoire d’Hamlet n’est pas facile à raconter, même avec des mots. La traduire dans l’univers de la danse est tout un appel.
Le défi est relevé et le contenu est spectaculaire ! Hamlet est porté par la danse. Les artistes nous font vibrer. L’histoire nous est brillamment racontée par des danseurs de ballet classique. Leur performance nous touche profondément sans qu’un mot ne soit dit. Un spectacle de deux heures sans interruption qui revêt une intensité hors du commun devant un public ouvert et généreux.
Nous assistons à quelque chose qui marquera l’histoire. Un moment.
La distribution est fabuleuse. Dans le rôle-titre (Hamlet), Guillaume Côté qui incarne le Prince danois sombre, vindicatif et tourmenté. Le talent de ce danseur étoile transcende le personnage. Sous nos yeux, il devient confus et méfiant, on ressent sa lutte intérieure. Greta Hodgkinson (Gertrude), la Reine veuve du Roi défunt que Claudius, l’oncle d’Hamlet épousera pour usurper le trône. Natasha Poon Woo (Horacio) joue le rôle de l’ami d’Hamlet, le seul personnage qui échappera à l’hécatombe, Robert Glumberk (Claudius) le dangereux et meurtrier beau-père d’Hamlet, William Yong (Polonius) le lord chambellan et conseiller du Roi ainsi que le père de Laërte et d’Ophélie, personnage qu’Hamlet tuera par erreur croyant qu’il s’agissait de Claudius. Carleen Zouboules (Ophelia) l’amoureuse d’Hamlet qui lorsqu’elle découvrira qu’Hamlet a tué son père décidera de s’enlever la vie par noyade. Cette scène de la noyade d’Ophélie est amenée avec tellement de subtilité et de créativité. Sur la scène, un immense drap soutenu simule l’eau agitée par les vagues qui dissimulent le corps inanimé d’Ophélie. Un tour de force d’imagination pour élaborer ce tableau doublé d’un éclairage parfait ! Et ceci n’est qu’un exemple d’ingéniosité parmi tout ce que l’on a pu voir défiler sous nos yeux. Lukas Malkowski (Laertes) celui qui voudra venger la mort de son père en entraînant Hamlet dans un duel d’épées et en le blessant d’une épée empoisonnée. Connor Mitton (Rosencrantz) et William Sadler (Guildenstern), ces deux courtisans amis d’enfance du Prince Hamlet qui reçoivent de Claudius, l’ordre de surveiller Hamlet qui n’est pas dupe et qui les fera exécuter. Un autre personnage, Yorick, dont seul le crâne apparaît sur scène, cet accessoire symbolise la mort, thème important de toute la pièce.
Le caractère des personnages est extrêmement bien rendu par les interprètes. Le ballet classique est mis au service de cette pièce iconique en véhiculant des valeurs fortes qui rendent l’histoire accessible.
La musique originale de John Gzowski, concepteur canadien de son, est éminemment présente. Elle soutient admirablement bien le récit et fait monter l’intensité des émotions que les danseurs nous font vivre. Elle s’intègre à l’histoire tel un personnage vivant. Tout simplement fantastique.
La mise en scène est géniale, Lepage, le magicien dans toute sa splendeur réalise un décor minimaliste et songé qui met en valeur chacun des tableaux de la pièce. Seul un grand visionnaire peut pousser les humains à concevoir autant avec si peu. Quelques tables, rideaux, draps, quelques épées et HOP ! Tout ce matériel se transforme avec une créativité impressionnante !
Une direction solidement sentie couronne le tout. Une mise en scène extraordinaire, des chorégraphies magnifiques, un accompagnement musical incarné et un soutien technique infaillible, et voilà ! Hamlet devient accessible au public. L’art se démocratise. Il fallait y être !