Darius l’arbre généalogique

Tatie, est-ce que tu aurais pu être ma maman ?

Lyne Gariepy  – Arrive un âge où les enfants observent leurs proches, à la recherche de ressemblances avec les membres de leur famille. Évidemment, Darius n’y a pas échappé.

Un soir, il y quelque mois, juste avant l’heure du coucher et son histoire, Darius, 4 ans, me demande : « Tatie, est-ce que tu aurais pu être ma maman ? » Je lui demande pourquoi, et il me répond : « Parce qu’on se ressemble et que je t’aime. » Je lui explique alors : « Je t’aime aussi et j’aurais beaucoup aimé être ta maman, mais tu sais, pour faire le petit garçon unique que tu es, seulement ta maman et ton papa pouvaient fabriquer le petit bébé Darius. Tu es la combinaison de petites parties, des petits morceaux minuscules, invisibles à l’œil nu, qu’on appelle gènes, de ton papa et ta maman. Si j’avais eu un bébé, ça n’aurait pas été toi, car ce sont mes gènes qu’il y aurait eu dans le bébé, et le bébé aurait été différent de toi. » « Mais Tatie, me dit Darius, pourquoi j’ai le même nez que toi ? » « Parce que maman et moi on est des sœurs, donc on a le même papa et la même maman.  Ils nous ont donné leurs gènes. Ils nous ont ainsi donné des ressemblances. Maman et moi ont se ressemblent, comme tu ressembles à ta maman. On a donc la même génétique, des petites parties pareilles, toi, maman et moi. C’est donc possible que toi et moi on ait des traits semblables », que je lui réponds.

Après un instant de réflexion, Darius reprend : « Tatie, pourquoi j’ai les yeux et les dents de Joanis ? » Oh la la ! Il faut préciser que Joanis, mon amoureux, a les yeux bleus, tout comme Darius, alors que sa mère, son père, son oncle et moi avons les yeux noisette. C’est plus difficile à expliquer. Je m’essaie : « Tu sais, mon loup, c’est un hasard. Toi et moi on a un lien génétique, des gènes. Mais tu n’en as pas avec Joanis. Jo est ton parrain, comme je suis ta marraine. Mais le lien s’arrête là. Joanis n’est pas vraiment dans ton arbre généalogique. » Bien sûr, Darius de demander : « C’est quoi un arbre gé-né-a-logique ? »

Alors je tente de lui dessiner son arbre généalogique. Je lui explique que les branches de l’arbre sont les liens entre les personnes d’une famille. Que la sève qui coule dans les branches de l’arbre généalogique est le lien génétique, de gènes, entre les parents. Que ces gènes que nos parents nous ont transmis, nous ont aussi transmis des ressemblances, qui lui ont été ensuite transmises à lui. Une fois tous les membres de sa famille, des deux côtés, représentés, mais sans son parrain, Darius m’interroge : « Il est où Joanis, dans mon arbre gé-né-a-logique ? »

Et moi, de lui dessiner une branche, reliée à ma branche, mais qui ne se rattache pas au tronc, donc sans liens avec Darius. « Joanis, c’est mon amoureux, mon mari. C’est aussi ton parrain. Mais la sève de sa branche ne se rend pas à toi. Est-ce que tu comprends ? » 

Et mon loup de me répondre : « Je comprends, Tatie. Mais ça veut dire que si la grand-maman de Joanis vient d’Irlande, nous on en vient d’où ? » (Nous venions de lire le livre Brave et avions parlé de l’Écosse et de l’Irlande). « Du côté des Gariépy, c’est plus de la France, mon Loup », que je lui réponds. 

Quelques mois ont passé depuis, et j’ai demandé dernièrement à Darius qui était dans son arbre généalogique. Et Darius de nommer : « Toi Tatie, maman, papa, Joanis… même s’il n’y a pas de sève de gènes dans sa branche, vous êtes ma marraine et mon parrain et vous êtes dans mon arbre gé-né-a-logique ! Parce qu’un parrain et une marraine, c’est un lien qu’on ne peut pas briser. C’est comme un papa ou une maman, on en a juste un de chaque sorte, et c’est pour toujours ! »