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Une mère qui parle à son enfant, un père qui lui raconte une histoire, tous les autres propos entendus, échangés, lui apprennent une langue dont le respect des habitudes lui permet de comprendre et d’être compris.
On s’amuse avec tendresse d’entendre l’enfant demander comment le soleil tombé là-bas dans l’eau fait pour ne pas s’éteindre. On en est fier quand il s’inquiète du froid que doit ressentir l’arbre sans ses feuilles. Mais s’il dit qu’il fait très beaucoup noir quand la lune n’est pas dans le ciel, on le corrige doucement, parce que cet usage, par exemple, oublie que dansbeaucoup, il y a déjà le très, qu’il ne faut pas ajouter. On lui précise aussi qu’il faut dire que le feu est chaud ou la neige froide, parce que certains principes, en effet, sont à la base de toute langue, comme d’accorder les adjectifs aux noms.
Ce n’est qu’en accédant à l’écriture qu’on lui parlera des règles qu’apprendre à parler lui a déjà en partie fait connaître. Et parmi celles-là, il en est deux qui méritent d’être ici formulées quant au style, et dont on trouve des exemples avec la place que prend l’adjectif auprès du nom.
L’élégance du français encourage d’abord d’utiliser les mots de moins de syllabes avant ceux qui en ont davantage. On dira et écrira ainsi un bel oiseau plutôt qu’un oiseau beau, et un chant mélodieux davantage qu’un mélodieux chant. Ou encore un plumage blanc et noir au lieu d’un blanc et noir plumage.
Bien sûr, ces formulations ont la plupart du temps le même sens, mais ce serait oublier qu’habituellement l’adjectif placé après le nom est considéré comme donnant une information plus neutre; alors que devant le nom, il peut plutôt offrir une opinion ou présenter un certain degré d’émotion.
Un beau garçon ou une belle fille le sont davantage qu’un garçon beau ou une fille belle. Parler d’un pauvre homme, c’est dire qu’on le plaint, alors que d’un homme pauvre, on indique surtout que ses revenus sont faibles. De même, un curieux voisin, c’est une personne trouvée bizarre; mais un voisin curieux, quelqu’un qui s’intéresse peut-être trop à nos affaires ou qui fait preuve d’un intérêt marqué pour tout ce qu’il ignore. En parlant d’un certain projet, on affirme ne pas tout connaître ou on doute de son résultat; mais un projet certain, c’est une aventure présentée comme réalisable. Et pour être encore plus québécois, il va sans dire qu’une maudite belle maison peut faire l’envie de tout acheteur, alors qu’on aurait plutôt tendance à fuir une maison maudite.
Ajoutons que ce genre d’enjeu concernant l’usage de l’adjectif est en littérature l’occasion rêvée de perturber le sens habituel des expressions courantes, comme le font nos enfants, nés poètes.