Après le Bye-bye!

mot et moeurs
Gleason Théberge
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Gleason Théberge – Au cours de notre vie, nous n’utilisons pas seulement des phrases pour nous exprimer. Avec les autres, par exemple, nous échangeons des vœux, des salutations, qui tiennent en quelques mots ou un seul. Comme dans Au revoir!, Bonjour!, dans ce Baye! qu’on écrit Bye!, à l’anglaise; ou le Tchao!, venu de l’italien Ciao! Et pendant les célébrations de la période des Fêtes, jusqu’au traditionnel Bye-bye!, dont nous avons l’exclusivité internationale, nous avons ainsi fréquemment entendu les Ho, ho, ho! du père Noël, les Merci! devant les cadeaux appréciés, les Ah! devant les moins désirés. 

La grammaire les appelle des interjections, et ce ne sont pas des phrases, même s’ils en sont des équivalents. Par exemple, Bonjour! correspond à Je vous souhaite le bonjour; ou Attention!, à Faites attention. Le mot interjection désigne aussi ce genre de propos même s’ils ne s’adressent qu’à soi-même. Cette désignation provient d’interjeter, qui a donné naissance à d’autres termes comme adjectif, objet ou sujet, évoquant davantage la tenue d’un propos que le lancer de quelque chose. 

On entendra ainsi dire ou lira souvent que quelqu’un a lancé une réponse, quand il s’agira d’une vive intervention. On appelle interpellations les vifs propos adressés alors à autrui, comme Tasse-toé! Débarque de d’là! ou Qu’est-ce tu veux, encore? Comparativement à nos interjectionson distinguera aussi les onomatopées, qui s’écrivent pour imiter des cris d’animaux (Cocorico!, Miaou!, Wouf!), des bruits de la nature (le Boum! d’une lourde chute, le Broum! du tonnerre, le Vroum!du moteur automobile) ou les sons du corps humain (Atchoum!, Sniffe!).

Parfois aussi, nos éclats de voix ne s’adressent qu’à nous-même. Tel est le cas, au moment d’une maladresse quand on se permet un vieux Maudite marde!, voisin du Shit anglais, un Batinse!, un Tabarouette!, un Tabarnouche

Ce qui pourtant est alors marqué, ce sont les jurons qui témoignent d’un grand étonnement (Tonnerre de Brest, dirait le capitaine Haddock), d’une impatience (notre Mon Dieu Seigneur!, qui répond au My God étasunien), et même à l’occasion d’une colère (Sacrament!).

C’est d’ailleurs sous la forme de ce genre de sacre qu’au Québec, nous baptisons souvent nos moments de forte émotion. Appelés blasphèmes quand ils vident la sacristie, nos écarts de langage émotif sont des imprécations, une manière de prier à l’envers, en déformant les vocables sacrés. Elles peuvent souhaiter du mal à d’autres (Viens icite, mon tabarnaque!) ou exprimer notre douleur (Ayoye!, câlisse!) ou notre déception (Qu’est-ce t’as faite, sti de sans-dessein?).

À ce chapitre, il me semble que le summum des dérives est celle du Saint-simonak! dont l’origine se perd dans la nuit des vieilles exaspérations. Mais chaque fois, disent certains spécialistes, malgré l’inconvenance, nos éclats atténuent le stress de la situation… pourvu qu’ils ne s’accompagnent pas d’une violence physique, évidemment.

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