Chronique Mots & mœurs

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Gleason Théberge
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Arrêt sur Noël

Gleason Théberge – Nous ne soulignons plus tellement la période chrétienne de décembre annonçant les Fêtes, sauf en généreux et parfois difficiles magasinages de cadeaux de circonstance, en tours de lutins espiègles ou en calendriers de chocolats, mais l’Avent mène toujours aux fêtes* allant de la fin d’une année au début de la suivante. 

Ce terme liturgique provient du verbe advenir évoquant habituellement ce qui n’est pas nécessairement prévu. On y voit aussi l’avènement, l’aventure et surtout l’avenir. Or, ce que cet Avent annonce, c’est la naissance d’un enfant. Absent dans d’autres religions, cet évènement procède ainsi d’un avant auquel on associe l’après qui pour tous les animaux souhaite que l’espèce survivra, y compris chez les êtres humains.

On parle d’ailleurs aussi de l’avant pour désigner la partie du navire qui pointe vers la destination (proue), mais on ne dit pas l’après pour la partie arrière (poupe). Nous avons pourtant l’habitude de situer l’instant présent au milieu de ce qui peut arriver et de ce qui est déjà passé. Ce moment fugitif qui ne s’évalue même pas en secondes ne peut se répéter d’un jour à l’autre que dans l’aujourd’hui du calendrier. La dynamique est pourtant inévitable : ce qui viendra n’existe pas encore et ce qui fut n’est que mémoire d’esprit, de papier, de monument, et si la technologie moderne survit aux désastres qui nous guettent, les informations numérisées s’ajouteront aux témoignages autrement enregistrés. Il est ainsi facile de considérer qu’inscrits au présent, les maintenant peuvent être considérés comme des réalités absolues, puisqu’on les vit continuellement.

Le présent est en effet le départ de tout, éternel parce qu’insaisissable, comme la pensée surgie, qu’une distraction efface aussitôt, le moment de l’aurore ou le bref matin qui suit pour donner naissance à la matinée, l’instant inattendu d’un chant d’un oiseau qui disparaîtra si on a eu la chance de l’apercevoir. Le poète québécois Saint-Denys Garneau décrit d’ailleurs l’enfant comme cet oiseau, qui sitôt arrivé n’est déjà plus là.

Avec ou sans la neige, nous glissons ainsi, sans pouvoir s’y soustraire, vers la fête de Noël, mot qui vient du verbe naître, auquel répond celle de Pâques, pour la deuxième naissance qu’est la résurrection. Comblé par la présence des proches, indifférent ou triste, personne n’échappe à la nostalgie collective de Noël ni à l’enthousiasme un peu obligé du Jour de l’An. 

Au cours de nos vies, en moments d’espoir ou de regret, nos anniversaires de naissance ne marquent-ils pas un temps d’arrêt sur notre avancée en âge?

* Les Fêtes (avec majuscule) désigne l’ensemble des fêtes individuelles de la période.

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