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Les bonnes manières, c’est aussi pour les promenades en forêt
Valérie Lépine – Un beau dimanche, Micheline invite Joe et son chien Jack à prendre le thé chez elle. Joe est bien content de l’invitation : il ne sort pas souvent de chez lui. Joe arrive très en retard chez Micheline. Celle-ci l’accueille quand même avec le sourire, mais sa bonne humeur s’éteint un peu quand elle voit que Joe n’enlève pas ses bottes pleines de boue avant d’aller au salon. En plus, son chien Jack, un grand chien plein d’entrain, se précipite sur le divan et, en passant, casse une poterie avec sa longue queue. Joe, au lieu de réprimander son chien, éclate de rire et, ce faisant, réveille l’enfant malade de Micheline. C’en est trop : Micheline demande à Joe de prendre son chien et de s’en aller. Il pourra revenir quand il aura appris les bonnes manières.
Qu’est-ce que l’histoire (fictive) de Micheline et de Joe a à voir avec la chronique du CRPF ? Eh bien, figurez-vous que certains utilisateurs de la Réserve du Parc-des-Falaises (propriété du CRPF) se comportent un peu comme Joe quand ils fréquentent les sentiers de ce parc privé. Ils sont bien contents de se promener dans la nature, mais ils oublient/ ignorent/ne tiennent pas compte des règles qui ont été établies dans le parc. Ces règles, qui se retrouvent dans la plupart des réserves naturelles et dans les parcs nationaux, servent à assurer un équilibre entre l’utilisation des sentiers et la protection de la faune et de la flore.
Il y a sept règles très simples à respecter lorsqu’on fréquente la Réserve du Parc-des-Falaises :
- On demande aux utilisateurs de rester dans les sentiers. Il a été démontré que les randonneurs qui s’aventurent hors des sentiers effraient la faune. Ils peuvent aussi malencontreusement piler sur un nid, écraser une plante rare ou, pire, blesser ou tuer petit un animal.
- Autre règle non écrite, mais qui fait partie des « bonnes manières » quand on se promène en nature : rester le plus silencieux possible. Les randonneurs bruyants dérangent la faune (et souvent les autres randonneurs). À ce sujet, la SÉPAQ, l’organisme qui gère les parcs nationaux du Québec, effectue présentement des études portant sur l’impact de l’augmentation de la fréquentation des sentiers sur la faune1. Des résultats préliminaires démontrent qu’il y a un lien entre la durée et l’intensité du dérangement humain et les risques de perturbation sur les animaux. On a ainsi remarqué que les coyotes, habituellement diurnes, deviennent nocturnes quand ils sont trop dérangés pendant le jour. Les cerfs de Virginie, eux, vont se tenir près des sentiers, donc près des humains, puisque ceux-ci éloignent les prédateurs. Mais ce comportement anormal n’est pas viable et peut devenir dangereux pour les visiteurs. N’oublions pas que les parcs de conservation et les réserves naturelles, voués à la préservation de la biodiversité, sont devenus les derniers refuges pour bien des animaux. S’ils ne peuvent plus fréquenter ces lieux parce qu’il y a trop de dérangement, où iront-ils ?
- La Réserve du Parc-des-Falaises interdit la présence de chiens sur son territoire. Les chiens sont perçus comme des prédateurs par une partie de la faune et créent donc un stress supplémentaire sur les animaux même s’ils restent aux côtés de leur maître dans les sentiers. Les chiens en liberté qui s’aventurent hors des sentiers peuvent non seulement détruire un nid ou piétiner des plantes rares, mais aussi avoir des comportements de chasse (envers les écureuils ou les oiseaux par exemple) qui, bien évidemment, provoquent des réactions de stress aiguës chez les animaux pourchassés.
- Les vélos sont interdits, leur passage créant beaucoup d’érosion dans les sentiers.
- Pour des raisons évidentes de sécurité, il est interdit de faire des feux.
- Il est interdit de cueillir des plantes. On calcule mal le dommage que l’on peut faire en cueillant des plantes. Par exemple, saviez-vous que vous risquez de tuer le plant d’un trille quand vous cueillez ses fleurs ? Par ailleurs, imaginez les ravages qu’engendrerait la cueillette massive de plantes dans la Réserve. Le paysage serait grandement altéré et les espèces rares pourraient ne pas survivre à des ponctions répétées.
- Finalement, il est primordial de respecter la fermeture des sentiers au printemps durant la période de dégel. L’action des gels et dégels successifs réduit la capacité de drainage du sol. L’eau qui n’est pas absorbée érode le sol et entraîne avec elle des sédiments qui se retrouvent souvent dans les plans d’eau. Ces sédiments affectent le milieu de vie des espèces aquatiques. De plus, les randonneurs qui contournent les mares de boue qui apparaissent dans les sentiers au printemps, élargissent les sentiers, accélèrent l’érosion et piétinent les racines des arbres et des plantes qui bordent les sentiers. À force de piétinement, les végétaux dépérissent et meurent.
Somme toute, il n’est pas si difficile de respecter les règles établies dans la Réserve du Parc-des-Falaises ou dans tout autre parc voué à la conservation. Si on y pense un peu, ces règles rendent nos randonnées plus agréables et permettent d’assurer la pérennité d’un territoire protégé. De toute façon, qui voudrait être comparé à ces gentils malotrus que sont Joe et son chien Jack ?
À propos du CRPF – Le Comité régional pour la protection des falaises œuvre depuis 2003 pour la protection et l’utilisation écoresponsables d’un territoire de 16 km² doté de caractéristiques écologiques exceptionnelles et s’étendant derrière les escarpements de Piedmont, de Prévost et de Saint-Hippolyte.
Cet article est publié simultanément dans le Journal des citoyens (Prévost, Piedmont et Sainte-Anne-des-Lacs) et le journal Le Sentier (Saint-Hippolyte).
- Randonnée en forêt : quel impact sur les animaux à proximité des sentiers ? ICI Radio-Canada, 1er octobre 2022