Vie foisonnante de l’asclépiade

L’asclépiade fleur, journal des citoyensL’asclépiade
Valérie Lépine
Les derniers articles par Valérie Lépine (tout voir)

La biodiversité actuellement en péril

Valérie Lépine – On le sait, on le répète, on en désespère : la biodiversité est actuellement en péril. Bien que personne ne puisse supporter seul le poids de cette catastrophe en devenir, des gestes simples peuvent contribuer à faire une différence, à commencer par l’aménagement de sa cour.

Bannir les pesticides, réduire la superficie gazonnée, planter des végétaux indigènes, aménager des zones sauvages, sont tous des gestes qui favorisent la biodiversité. Planter des asclépiades est un autre geste de taille puisque cette plante peut prévenir la disparition d’un de nos plus beaux papillons et en plus de continuer à soutenir une faune abondante.

Dans un champ, parmi les autres plantes indigènes, l’asclépiade commune (Asclepias syriaca) se démarque par son port érigé, sa tige droite et longue de plus d’un mètre, ses larges feuilles épaisses et sa floraison spectaculaire. C’est en juillet et en août que ses grandes fleurs rosées apparaissent et embaument l’air de leur parfum. Les fleurs se transforment ensuite en un fruit vert joufflu, hérissé de petites épines, qui, une fois ouvert, laisse apparaître des graines entourées de filaments blancs et soyeux. L’asclépiade commune pousse dans des endroits ensoleillés et tolère les sols pauvres et secs, tels que les bords de routes et les champs abandonnés. Bien des gens ont déjà eu la chance d’observer cette plante ; mais la majorité d’entre nous ignore que cette plante supporte une vie foisonnante.

La biodiversité de l’asclépiade

Évidemment, qui dit asclépiade, dit monarque puisque cette plante est nécessaire à la survie de ce papillon. D’abord, il y pond ses œufs. Après l’éclosion, la chenille s’alimente exclusivement des feuilles de l’asclépiade. Elle est d’ailleurs une des rares espèces animales qui résiste à la sève toxique de cette plante. Après s’être gavées de feuilles, les chenilles du monar-que parviennent au stade de chrysalide (stade de développement entre la chenille et le papillon qu’atteignent malheureusement seulement 10 % des chenilles du monarque). Le nectar de l’asclépiade et d’autres plantes nectarifères sert ensuite à nourrir le monarque parvenu à maturité. Il a besoin de beaucoup de ces fleurs pour faire le plein d’énergie puisque les monarques qui vivent au Québec sont migrateurs et ils entreprennent chaque automne un voyage de 5 000 kilomètres pour se rendre dans les montagnes du centre du Mexique.

Cette plante est donc essentielle à la survie du monarque qui, rappelons-le, est en voie d’extinction. Sa population a en effet chuté de 90 % au cours des 20 dernières années. La disparition des asclépiades et des autres plantes nectarifères indigènes des sites de reproduction du papillon et le long de ses corridors migratoires est un des éléments qui explique cette hécatombe. 

Mais l’asclépiade, n’est pas qu’une plante dont dépend la survie d’un de nos plus beaux papillons. C’est aussi une plante dont les fleurs, les feuilles, la tige et même les racines soutiennent une biodiversité incroyable.

Ses feuilles accueillent une foule d’insectes qui y pondent leurs œufs et servent de nourriture à leurs larves. Ses fleurs attirent non seulement le monarque, mais nombre d’autres papillons et de mouches qui se gavent de son nectar et qui, en échange, lui servent de pollinisateurs. Des larves d’insectes se développent et se nourrissent aussi au sein des racines de la plante. C’est le cas des larves du longicorne du genre Tetraopes. Puisque les larves de cet insecte tolèrent les composés chimiques toxiques présents à l’intérieur des racines, l’asclépiade a développé une autre façon de se débarrasser de ce parasite : elle libère des composés volatils qui attirent les vers de nématodes qui raffolent des larves de longicornes. Plusieurs insectes dépendent donc de cette plante et ils en portent même le nom. C’est le cas de l’arctiide de l’asclépiade, un papillon nocturne, et de coléoptères comme la chrysomèle de l’asclépiade, le longicorne de l’asclépiade et la punaise de l’asclépiade.

Fait intéressant, plusieurs des insectes qui ont développé une association étroite avec l’asclépiade arborent les couleurs du monarque : la chrysomèle de l’asclépiade et la petite punaise de l’asclépiade ont par exemple une carapace noir et orange. On fait l’hypothèse que ce mimétisme servirait de défense contre les prédateurs. Le monarque étant indigeste pour ses prédateurs à cause de la substance chimique toxique présente dans sa chenille et qui reste chez le papillon, les prédateurs qui ont goûté au monarque avant de le recracher y penseront à deux fois avant de manger d’autres insectes orange et noir.

La tige de l’asclépiade abrite par ailleurs souvent des pucerons. Attention ! Il ne faut pas les déloger ! Les pucerons jouent un rôle important pour la plante. Le miellat que les pucerons excrètent pouvant favoriser le développement de champignons, l’asclépiade a développé une « entente » avec les fourmis : celles-ci peuvent élever les pucerons sur sa tige pour récolter leur miellat (substance sucrée dont les fourmis raffolent) en échange de quoi, les fourmis défendent la plante contre toute agression potentielle dans l’habitat.

Planter des asclépiades

Planter des asclépiades communes constitue donc un geste qui favorise la préservation de la biodiversité dans sa propre cour et aide à la sauvegarde d’une espèce en péril. Il y a plusieurs façons de favoriser la présence de cette plante dans son jardin et dans sa ville : ne pas l’arracher si elle s’immisce dans les plates-bandes ou les fossés, les ajouter à l’aménagement de son jardin ou même créer une oasis pour les monarques (voir article suivant). 

À propos du CRPF – Le Comité régional pour la protection des falaises œuvre depuis 2003 pour la protection et l’utilisation écoresponsable d’un territoire de 16 km² doté de caractéristiques écologiques exceptionnelles et s’étendant derrière les escarpements de Piedmont, de Prévost et de Saint-Hippolyte. – Cet article est publié simultanément dans le Journal des citoyens (Prévost, Piedmont et Sainte-Anne-des-Lacs) et le journal Le Sentier (Saint-Hippolyte).

Sources – L’asclépiade, un milieu de vie, Nature sauvage, volume 9, no 2, été 2016, pp 28-34.

L’asclépiade commune : https://espacepourlavie.ca/carnet-horticole/asclepiade-commune

La chenille du papillon monarque

print