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Lyne Gariépy
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Découvrir le peuple ukrainien

Lyne Gariépy et Joanis Sylvain – Depuis maintenant près de deux mois, le peuple ukrainien fait preuve de résilience face aux attaques de la Russie. En son honneur, voici deux films et une série, pour le découvrir davantage.

Depuis le début du conflit, les gens du monde entier ont découvert Volodymir Zelenski. Sa décision de rester en Ukraine, au lieu d’être évacué, lui a mérité l’estime de plusieurs chefs d’État, tout comme celle de simples citoyens, en plus de représenter un exemple pour ses propres concitoyens. Mais monsieur Zelensky, issu d’un quartier ouvrier pauvre de l’ex-URSS, avait, adolescent, découvert une échappatoire : la comédie. Avec son groupe, Studio Kvartal-95, il crée la série Servant of the People  dans laquelle il incarne un professeur d’histoire devenu président de l’Ukraine. Série qui fut interrompue par sa propre course à la présidence. Depuis le 24 février, les droits sur cette série (détenus par Ecco Rights, une compagnie suédoise) s’arrachaient dans plusieurs pays. Ici, la série est distribuée par Netflix

Serviteur du peuple (Servant of the People)

Série. Comédie. Politique. Ukraine. 2015-2019. Trois saisons, 50 épisodes de 24 minutes, sous-titré. Netflix. Par et de Studio Kvartal-95. Interprètes : Volodymyr Zelensky, Stanislav Boklan, Elena Kravet.

Synopsis – Alors qu’il confie son dépit concernant la corruption des élites – avec force jurons – à un collègue, le professeur d’histoire Vasyl Petro-vitch Holoborodko est filmé à son insu. La vidéo, postée sur Internet, atteint rapidement plusieurs millions de vues, et l’humble citoyen est porté au pouvoir à la présidentielle. Dès ses débuts de président d’Ukraine, il découvre l’étendue de la corruption et les dépenses extravagantes des élus. Une tâche délicate l’attend : réformer le pays. 

Ciné-fille – En 2019, lorsque Volodymyr Zelensky s’est réellement lancé dans la course à la présidence de l’Ukraine, ce fut sous la bannière d’un nouveau parti politique, également appelé Servant of the People. Évidemment, il y a des parallèles à faire entre la série et la réalité, quoique cette dernière est beaucoup plus sombre pour le président Zelensky et les Ukrainiens. Et je comprends le peuple de l’avoir élu : si monsieur Zelensky investi, ne serait-ce que 20 %, des efforts de son personnage fictif pour contrer la corruption dans la vraie vie, et bien bravo !

Avec un minimum de compréhension de la politique ukrainienne, cette série est facile à suivre, et nous donne un aperçu du gouvernement d’avant 2019. C’est aussi une fenêtre sur la façon de vivre d’un peuple, sur sa personnalité. De la façon qu’il déjoue les complots et qu’il combat la corruption. Le président de la série nous offre plusieurs angles intéressants. Tel celui de sa famille, qui, alors que lui vit simplement et honnêtement, est tentée par le luxe après des années de privation. Les scènes familiales sont craquantes ! 

C’est drôle, intelligent, parfois loufoque, agréable à écouter, et légèrement addictif. Un équilibre entre comédie et politique. 8,5 sur 10  

Ciné-gars – Comme tant d’autres, c’est le fait que le président ukrainien Zelensky joue dans cette satire politique qui m’a attiré. Que les créateurs de la série se soient inspirés en partie de la réalité que vit le peuple, m’a séduit davantage. 

Nous y suivons une panoplie de personnages, tous plus singuliers les uns que les autres. Certaines situations et dialogues sont efficaces, et en font une comédie réussie. La chanson thème, au début des épisodes, me plait vraiment et me fait sourire à chaque fois. 8 sur 10

Terre outragée (Land of Oblivion) 

Film. Drame. Ukraine, France, Pologne et Allemagne. 2012. 1 h 48 minutes, sous-titré. Amazon prime. De Michale Boganim. Par : Antoine Lacomblez, Anne Weil. Interprètes : Olga Kurylenko, Andrzej Chyra et Serguei Strelnikov.

Synopsis – 26 avril 1986. Pripiat. Ce jour-là, Anya et Piotr célèbrent leur mariage; le petit Valéry et son père Alexeï, physicien à la centrale voisine de Tchernobyl, plantent un pommier; Nikolaï, garde forestier, marche dans la forêt. Se produit alors un accident à la centrale. Piotr, pompier volontaire parti éteindre l’incendie, ne reviendra pas. 1996, Pripiat désertée, devenue un no man’s land et un étrange lieu de tourisme. Anya s’y rend tous les mois, en tant que guide, tandis que Valéry y cherche les traces de son père. Nikolaï, lui, persiste à cultiver un jardin empoisonné… Rappel : Tchernobyl, ville d’Ukraine, qui en 1986 était en URSS.

Ciné-fille – Alors que l’on sait maintenant que les autorités russes n’ont averti la population de l’accident que 30 heures après, on ne peut qu’être choqué lorsqu’on est témoin de l’innocence des gens alors que leur destin se jouait. Un rappel de la rétention d’information soviétique. 

Premier film à avoir été tourné sur le lieu même de Tchernobyl, les images sont belles. Les acteurs convaincants. Olga Kurylenko (Les traducteurs) est excellente.

De voir les gens qui retournent vivre sur les lieux contaminés de Tchernobyl, nous démontre un aspect de la personnalité du peuple ukrainien : son attachement à sa terre. Film témoignage sombre. 7,5 sur 10 

Ciné-gars – Le début du film nous montre la façon de gérer les événements à la manière soviétique, dans la rétention d’information. L’intérêt de ce film réside dans le fait de suivre quelques résidents de Pripiat lors de l’accident de Tchernobyl. Le film souligne l’aspect psychologique que l’incident a eu sur les habitants de Pripiat. 7 sur 10

Donbass

Film. Guerre. Drame. Ukraine. 2018. 2 h 01minute, sous-titré. Itunes. Par et de Sergei Loznitsa. Interprètes : Boris Kamorzin, Valeriu Andriutã, Tamara Yatsenko.

Synopsis – Dans l’est de l’Ukraine, une guerre hybride mêle conflit armé ouvert, crimes et saccages perpétrés par des gangs séparatistes. La société se dégrade à mesure que les effets de la propagande et de la manipulation politique se propagent. Lorsque la guerre est appelée « paix » et la propagande « vérité », c’est le non-sens. Inspiré du conflit du Donbass, une zone ukrainienne peuplée largement de russophones que les séparatistes pro-russes ont envahie en 2014.

Ciné-fille – Le cinéaste nous présente la répétition générale de ce qui se passe aujourd’hui. Critiqué à sa sortie pour son exagération, aujourd’hui, ce qu’il décrit s’est réalisé à l’échelle d’un pays. Des bombes qui viennent d’on ne sait où, et visent n’importe quoi. Des attentes interminables aux frontières. Des habitants recrutés pour de faux reportages par les pro-russes, où ils expliquent comment il fait bon vivre dans une région annexée, sous le joug russe. L’argument de la « dénazification » utilisé par les Russes. La corruption russe. Des éléments malheureusement omniprésents dans les informations présentement.

On suit plusieurs personnages le temps d’une scène ou deux. La plus grande difficulté est de savoir de quel côté du conflit ils se trouvent. Il faut être attentif. Plusieurs scènes intéressantes ont la même origine : Comment ce conflit fait-il s’entredéchirer la famille, les voisins ? Une mère qui vit dans la misère, selon ses valeurs, dans un abri souterrain commun, que sa fille appelle « clochardisation », elle qui a choisi de travailler pour la République séparatiste, au service d’un président pro-russe. Ou cette scène où les soldats séparatistes attachent un soldat ukrainien à un poteau dans la rue, et qu’ils laissent les passants se venger sur lui. Malaisant, stressant et troublant. Tout comme la fin, frappante.

Annexer, c’est détruire des gens, mais aussi un patrimoine, des lois, des coutumes, des registres, des archives. C’est faire table rase du passé. Dans la haine. C’est triste, malheureux, horrible, mais ça existe. Le film, quoique parfois décousu, nous permet de réaliser tout cela. 7 sur 10

Ciné-gars – Que le film soit une fiction sur le conflit du Donbass a suscité mon intérêt. Dans Donbass, il n’y a aucun personnage principal, on passe d’une situation et d’un individu à l’autre. Le seul lien est entre le début et la fin. Entre les deux, nous assistons à des démonstrations de corruption, de propagandes, de manipulations de l’opinion, d’extorsions et de menaces. 6,5 sur 10

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