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Gleason Théberge
On ne s’en étonne pas, mais le mot personne désigne à la fois quelqu’un (une bonne personne) et aucun être humain (personne n’a répondu). Ce double sens provient du latin, où persona était un masque de théâtre représentant un être imaginaire porté par un interprète réel.
En français, certaines expressions impersonnelles ou neutres sont associées à ce double sens, qui peut correspondre aux perceptions de l’être encore incapable de se percevoir différent de son environnement. Ce système inclut d’abord le ça bouge (autour et en dedans de soi), le il fait froid ou il neige et le on me touche. Différentts des celui, celle ou ceux, qui supposent qu’on sache de qui ou de quoi on parle, les pronoms ceci et cela, mais aussi ça(normalement réservé au dialogue) se rapprochent plutôt de l’inventif ceusses de notre parlure, dont on peut dire qu’il est neutre parce qu’il peut évoquer autant le masculin que le féminin, jusque dans la forme floue du toutes les ceusses.
Considérés comme impersonnels, ces premiers éléments du langage, n’ont aucun pluriel. On peut d’ailleurs y ajouter le ce quand son usage équivaut au cela ou au ceci, comme dans ce me semble bon. Il est alors neutre et ne cesse de l’être que si le contexte en précise le sens. Il peut alors être utilisé au singulier comme dans ce refrain, c’est celui de ma chanson préférée ou au pluriel comme dans ces arbres, ce sont ceux où les oiseaux font leurs nids.
On peut ensuite mentionner le il des éléments naturels, derrière lequel personne n’agit, comme dans il fait noirou il vente; mais aussi celui des impératifs (il faut parfois du courage, il est important d’accomplir ce qu’on a promis)ou des constats (il manque un peu de fantaisie à ce spectacle) ou le tout court il y a utilisé dans des énoncés comme il y a du plaisir à donner comme à recevoir. Ces formules impersonnelles il faut, il manque ou il y a servent d’amorce à des phrases qu’on peut formuler avec sujet actif, comme dans mes amis, nous devons faire preuve de courage, un brin de fantaisie manque à ce spectacle ou donner fait autant plaisir que recevoir. Dans ce dernier cas, on notera que le verbe à l’infinitif est l’équivalent d’un nom.
Quant au on, dont on dit qu’il exclut la personne qui parle, il n’est en fait utilisé, à l’écrit, que si on n’a pas à désigner quelqu’un en particulier, comme dans l’hiver, on n’est jamais trop prudent sur les routes. Au Québec, cependant, le on cesse d’être neutre quand il sert de déguisement au nous, et y ajoute la chaleur de l’appartenance, comme dans ma famille et moi, on a eu du plaisir à pouvoir souper ensemble à Noël.
Une dernière manière de ne nommer personne en particulier, très fréquente dans les réseaux sociaux, est d’utiliser les pronoms habituels ils, eux, celles et ceux pour accuser sans qu’on puisse y percevoir de la diffamation. Il me semble, par ailleurs, que s’ils se mettaient à détester leurs compagnons humains et qu’on les faisait parler, ce ne sont que ces usages impersonnels que pourraient utiliser nos chevaux, chiens, chats, perruches, poissons rouges, oursons et poupées.