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Les problèmes de surverse persistent
Noa Garcia-Ahmad noaga@journaldescitoyens.ca – Dans notre dossier sur la rivière du Nord de 2021, paru dans l’édition de juillet, une source importante de pollution de la rivière a été omise : les surverses et les déversements des installations municipales. Avec l’aide d’Alain Saladzius, président de Fondation Rivières, et de Philippe Maisonneuve, chargé de projet chez Fondation Rivières, le Journal a brossé un portrait général de la situation des surverses au Québec et dans le bassin versant de la rivière du Nord.
Tout d’abord, rappelons que Données Québec définit un ouvrage de surverse comme « un ouvrage de débordement, composé d’une chambre souterraine de régulation qui dirige en conditions normales d’opération les eaux usées dans le réseau de collecte et d’interception jusqu’à la station d’épuration ». Les surverses se produisent lorsque les apports d’eau dans le système d’écoulement excèdent la capacité de régulation, par exemple en temps de forte pluie; l’excédent d’eau est alors déversé dans les cours d’eau. Toujours selon Données Québec, « c’est sous ces conditions qu’une partie des eaux combinant des eaux de pluie et des eaux usées s’écoule vers le cours d’eau récepteur durant une courte période ».
Un problème à l’échelle nationale
Depuis 2017, le nombre annuel de surverses oscille entre 51 000 et 61 000 au Québec, comme vous pouvez l’observer dans le tableau. La majorité des surverses ont lieu en temps de pluie et sont permises par le ministère de l’Environnement et de Lutte aux changements climatiques (MELCC). Cependant, comme Philippe Maisonneuve, chargé de projet chez Fondation Rivières, le remarque, elles demeurent très dommageables pour les cours d’eau puisqu’il s’agit tout de même d’eaux usées non traitées déversées sur une base régulière. En ce qui concerne les déversements en temps sec, l’absence de dilution, qui augmente ainsi la concentration de contaminant, oblige le MELCC à les interdire, bien qu’ils surviennent encore assez régulièrement. Il faut toutefois souligner qu’en 2020, on a observé une baisse importante au Québec des surverses en temps sec (810, par rapport à une moyenne de 1673 entre 2017 et 2019).
La rivière du Nord encore victime de nombreux déversements
À l’échelle du bassin versant de la rivière du Nord, ce sont neuf Municipalités qui le font directement dans la rivière. En 2020, les Municipalités de Saint-Sauveur, Sainte-Adèle, Val-Morin, Val-David, Sainte-Agathe-des-Monts, Mirabel, Prévost, Lachute et Saint-Jérôme ont enregistré 1016 surverses. Il faut noter en revanche que, de ces surverses, 617 ont été enregistrées à la Lachute et 288 à Saint-Jérôme. Les Villes de Lachute et de Saint-Jérôme se retrouvent par ailleurs dans le palmarès de Fondation Rivières sur les 50 Municipalités qui ont enregistré le plus de déversements au Québec en 2019, respectivement au 37e et 44e rang.
M. Saladzius, président de Fondation Rivières, souligne toutefois que la Ville de Saint-Jérôme a déjà pris des mesures concrètes pour évaluer le potentiel de baignade dans la rivière du Nord. Entre autres, la Ville s’est associée à Fondation Rivières pour mieux connaître la qualité de l’eau de la rivière, notamment à travers l’achat d’un appareil ColiMinder, une technologie qui permet, par une réaction enzymatique, d’obtenir en 15 minutes des résultats sur la qualité de l’eau. Le processus d’achat de l’appareil a d’ailleurs déjà été mis en marche par la Ville.
Encore du travail pour mieux connaître les surverses et les déversements dans nos cours d’eau
Monsieur Maisonneuve explique que les chiffres mentionnés ci-haut sur le nombre de déversements au Québec doivent être étudiés avec prudence : « Il demeure très difficile d’estimer le volume déversé ou même la durée de ces surverses puisqu’un certain nombre d’ouvrages ne sont pas instrumentés [pour collecter les données] et plusieurs de ceux qui le sont connaissent des enjeux quant à la fiabilité des données récoltées ». Selon Alain Saladzius, ce sont près de 25 % des Municipalités qui n’ont pas d’outil d’enregistrement adéquat pour les surverses. Il existe pourtant un règlement qui les oblige à faire état des débordements dans leurs ouvrages de surverse, le Règlement sur les ouvrages municipaux d’assainissement des eaux usées (ROMAEU) que l’on peut retrouver dans la Loi sur la qualité de l’environnement. En vertu de ce règlement, on prévoit également que le MELCC délivrera des attestations d’assainissement municipales (AAM), un document légal permettant d’encadrer l’exploitation d’un ouvrage municipal d’assainissement des eaux usées (OMAEU). Or, monsieur Saladzius nous explique que les attestations viennent tout juste de commencer à être délivrées, près de sept ans après l’adoption du règlement.
Comme pour la majorité des problèmes de la qualité de l’eau dans la rivière du Nord, l’une des principales solutions, comme nous l’explique Alain Saladzius, demeure de retenir le plus possible l’eau à sa source, notamment en limitant les ruissellements des eaux pluviales dans le réseau d’égout sanitaire. Il faudra réagir rapidement au Québec, puisqu’avec l’accélération des changements climatiques, on devrait s’attendre à des pluies plus importantes et plus longues, augmentant conséquemment l’intensité et le nombre de déversements dans les prochaines années.