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Qualité de l’eau des lacs et des rivières
Noa Garcia-Ahmad noaga@journaldescitoyens.ca – Dans les dernières années, les articles du Journal sur la qualité de l’eau de la rivière du Nord ont principalement porté sur la forte présence d’un micro-organisme appelé Escherichia coli (E. coli), plus connu sous le nom de coliformes fécaux. Ces microorganismes, lorsqu’en concentration de plus de 200 unités par 100 ml, peuvent s’avérer particulièrement dangereux pour la santé des baigneurs et doivent donc être minutieusement surveillés.
Pour en faire la détection, les coliformes fécaux sont tradionnellement dénombrés à l’aide d’une culture en laboratoire qui nécessite une période d’incubation de 18 à 24 heures, puis une observation au microscope afin d’en mesurer la concentration. Ces méthodes, particulièrement longues considérant les fluctuations importantes de la concentration de coliformes fécaux dans l’eau, entraînent souvent des réactions tardives de la part des autorités responsables. Ainsi, il n’est pas rare de voir des plages fermées en raison d’une contamination d’une seule journée plusieurs jours après la disparition du risque réel pour les baigneurs. À l’inverse, l’accès à une plage peut être maintenu lors d’une contamination importante qui ne sera pas détectée avant plusieurs jours par le test d’analyse suivant, exposant les baigneurs à des risques de tomber gravement malade.
Des alternatives plus efficaces
Toutefois, les méthodes de culture en laboratoire ne sont pas les seules à pouvoir détecter la présence de coliformes fécaux dans l’eau. Le ColiMinder en est une autre, par exemple. Étudié depuis de nombreuses années à la Polytechnique de l’Université de Montréal par des chercheurs dirigés par Sarah Dorner1, le ColiMinder est un outil autonome permettant la quantification des micro-organismes fécaux. Contrairement aux méthodes traditionnellement utilisées, il fonde sa technologie sur la mesure directe de l’activité métabolique (enzymatique) spécifique des organismes cibles présents dans les échantillons à l’étude. Dans le cas des coliformes fécaux, c’est l’enzyme ß-D-glucuronidase qui fait l’objet de ces mesures. Grâce à cette technologie, on obtient le résultat des tests d’analyse de la qualité de l’eau en une quinzaine de minutes, permettant ainsi une prise de décision le jour même en permettant d’éviter des situations dangereuses pour les baigneurs, tels que présentés plus haut.
Au Québec, grâce aux projets de recherche de la Polytechnique, le ColiMinder a visité plusieurs rivières et lacs, donc le lac Raymond à Val-Morin, en 2016. Pendant deux ans, le ColiMinder a assuré un suivi strict de la qualité de l’eau avant d’être retiré, faute de financement. À l’époque, la Ville de Val-Morin s’était portée volontaire pour participer au projet de recherche sur le ColiMinder. Elle n’avait donc pas acheté l’outil, mais plutôt financé une partie des frais d’installation et d’entretien pour le bon déroulement de la recherche. Malgré l’arrêt du projet au lac Raymond, la Polytechnique de Montréal n’a pas cessé ses recherches sur le ColiMinder. Les travaux des chercheurs se sont notamment poursuivis à bord de la mission Lampsilis sur le fleuve Saint-Laurent et sur la plage de Verdun. Le ColiMinder fait également l’objet d’une variété de recherches, portant notamment sur sa capacité à détecter efficacement et rapidement la concentration de coliformes sur l’eau de surface et dans les eaux douces à usage récréatif, des références que vous pouvez retrouver sur la page Web du journal scientifique Science of the Total Environment.2
La question du financement : un obstacle?
Dans un article de Mathieu Pagé publié en septembre 2018 par le Journal, on expliquait comment c’est ultimement une résolution municipale redirigeant le financement qui mit un terme au projet de recherche sur le ColiMinder au lac Raymond. Il est vrai que l’utilisation du ColiMinder requiert de prime abord des fonds qui peuvent être jugés importants de la part de certaines Municipalités. Le prix d’un tel instrument s’élèverait à environ 52 000 $, bien qu’il puisse également être loué à moindre coût. Cependant, au long terme, le coût d’équipement relativement élevé de cette technologie peut être compensé par des réductions importantes du coût d’exploitation, puisqu’elle ne nécessite pas la présence de techniciens qualifiés ni d’installations de laboratoires pour traiter les échantillons et effectuer les analyses.
Peut-on espérer un retour du ColiMinder ?
À la connaissance du Journal, un retour du projet de recherche du ColiMinder à la rivière du Nord et dans ses alentours n’est pas prévu pour l’instant. On peut cependant espérer que les technologies de notification en temps quasi réel des altérations de la qualité de l’eau puissent progressivement venir remplacer les méthodes de culture en laboratoire vu leurs grandes efficacité et rapidité. Après tout, à terme, le ColiMinder offre la possibilité d’améliorer la gestion de la qualité des eaux et de favoriser l’engagement public grâce à une communication transparente et en temps réel des données sur la qualité biologique de l’eau.
Cependant, il est important de rappeler que les coliformes fécaux ne sont pas les facteurs uniques de contamination de l’eau. La qualité de l’eau est également dépendante d’autres facteurs tels que la présence d’oxygène et la faiblesse des polluants comme le phosphore. En effet, en concentration de plus de 0.03mg/L, le phosphore augmente les risques de croissance accrue de végétaux et d’eutrophisation qui pourrait mettre en péril la perpétuation de certaines espèces marines en consommant l’oxygène nécessaire à leur survie. Pour en apprendre davantage sur certains des facteurs de risque pour la qualité de l’eau, vous êtes invité à consulter la carte interactive iEAU, développé par Abrinord.
1. Professeure agrégée au Département des génies civil, géologique et des mines de Polytechnique Montréal, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la dynamique des contaminants microbiens dans les sources d’approvisionnement en eau et membre de la Chaire industrielle CRSNG en eau potable)
2. www.journals.elsevier.com/science-of-the-total-environment