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Héritage Plein Air du Nord saura-t-il retrouvé l’harmonie?
Valérie Lépine – Forêt Héritage : à sa création en 2015, plusieurs espéraient que ce parc de 2 km2 allait être une oasis naturelle que tout un chacun pourrait fréquenter paisiblement. Six ans plus tard, Forêt Héritage est, pour plusieurs, devenu synonyme de conflits d’usage, de sentiers non sécuritaires et de problèmes liés à l’achalandage. Ces nombreuses difficultés sont ressorties, le 27 mai dernier, lors de l’assemblée générale annuelle de l’organisme. Et l’issue des élections laisse planer le doute sur la capacité qu’aura l’organisme à rétablir l’harmonie entre les usagers tout en maintenant sa mission de conservation et de préservation de la biodiversité.
Depuis quelques semaines, Héritage Plein air du Nord (HÉPAN) est la cible de plusieurs critiques. Certains énoncent l’état lamentable de certains sentiers; d’autres, le bruit généré par un achalandage sans précédent d’amateurs de vélos de montagne; d’autres encore, le manque de sécurité de certains sentiers aménagés exclusivement pour les cyclistes. Des personnes ont renoncé à fréquenter le parc à cause des dangers posés par certains cyclistes téméraires. Un reportage a même été diffusé au Téléjournal de Radio-Canada faisant état des lacunes au niveau de la sécurité1.
Malgré toutes ces difficultés, Catherine Rivard, présidente d’Héri-tage Plein Air du Nord, l’organisme qui a la charge de la gestion du parc, a fait un bilan positif des actions entreprises par l’organisme lors de l’assemblée générale annuelle du 27 mai. Elle a, entre autres, parlé des dons reçus par l’organisme au cours des derniers mois, de l’acquisition d’une propriété et des aménagements entrepris pour, entre autres, améliorer la signalisation. Par ailleurs, elle a mentionné que la demande de désignation de réserve naturelle n’avait pas encore abouti et qu’une campagne de financement « plus ou moins » officielle était en cours pour amasser des fonds afin de continuer à faire l’acquisition de terrains. Elle a brièvement indiqué que l’achalandage des sentiers d’HÉPAN avait beaucoup augmenté et que le développement domiciliaire menaçait constamment l’intégrité du parc. Une liste de projets pour 2021 a aussi été annoncée. Ceux-ci ont été présentés de façon très générale : sensibilisation du public au milieu naturel, respect du code d’éthique, relocalisation de sentiers, etc.
Inquiétudes parmi les membres de l’organisme
Le ton positif utilisé par la présidente détonnait face aux inquiétudes et questionnements qui ont été soulevés après sa présentation. Plusieurs personnes ont mentionné que les utilisateurs ne respectaient pas les fermetures des sentiers, qu’il y avait des problèmes flagrants occasionnés par l’achalandage accru (bruit, érosion, conflits d’usage, etc.) et qu’il semblait y avoir des lacunes importantes quant à la sécurité dans les sentiers. Une femme rapportait notamment qu’elle avait dû aider à sortir de la forêt un cycliste blessé et inconscient puisque les secours n’avaient pas été en mesure de trouver le lieu de l’accident.
Les membres du conseil d’administration d’HÉPAN semblaient pris de court par ces critiques et peu préparés à y faire face. Ils ont donné des réponses évasives qui n’ont pas semblé rassurer les participants.
Autre inquiétude qui paraissait en filigrane dans les commentaires des participants : certains cyclistes qui fréquentent le parc semblent avoir très peur de ne plus pouvoir fréquenter les sentiers à cause des nombreux problèmes et plaintes liés à la pratique de ce sport dans le parc. Vu le résultat des élections (voir plus loin), on peut d’ailleurs supposer que des 248 personnes qui ont assisté à la réunion, plusieurs (la majorité?) étaient des cyclistes qui ne veulent pas perdre le privilège de fréquenter gratuitement et sans contraintes les sentiers de ce parc de conservation.
Il est à souligner que les sujets relatifs à la conservation de la nature et de la préservation de la biodiversité, qui sont au centre de la mission d’HÉPAN, étaient absents des propos échangés durant l’assemblée générale.
Élections chaotiques
Le déroulement des élections a été quelque peu chaotique. Le président d’élection ne maîtrisait pas l’application du vote dans Zoom, une quarantaine de participants n’ont pas soumis leur vote, certains avaient du mal à lire le bulletin de vote, etc.
Fait surprenant, aucune vérification du statut de membre n’a été faite avant le vote. Les 248 participants à l’assemblée ont donc pu voter. Étaient-ils tous membres en règle ? Rappelons par ailleurs que les règlements généraux de l’organisme stipulent que seules les personnes dont l’adhésion date de plus d’un mois sont aptes à voter lors des assemblées générales. Or, il y a au moins une cinquantaine de personnes qui sont devenues membres d’HÉPAN dans les deux semaines précédant l’assemblée (selon les données affichées sur le site web de l’organisme). Ces nouveaux membres ont-ils voté aux élections ?
Quatorze candidats se sont présentés aux élections (dont l’auteure de ces lignes). Sept d’entre eux ont été élus ou réélus. Deux d’entre eux, Anthony Côté et Éric Desjardins, ont l’intention de tenter de rétablir un équilibre dans l’utilisation des sentiers parmi tous les utilisateurs (et non seulement les cyclistes) et de mettre l’emphase sur la mission de conservation de l’organisme. Les cinq autres élus, André Lessard, Stéphane Desjardins, Jim-Carl Gagné, Mario Gallant et Philippe Marchessault sont des cyclistes qui semblent, entre autres, vouloir consolider le réseau de pistes pour les vélos.
Du pain sur la planche
Les membres du C.A. d’Héritage semblent avoir beaucoup de pain sur la planche. Outre leur volonté d’organiser des collectes de fonds pour agrandir le territoire protégé, ils doivent affronter toutes les problématiques liées à la popularité du lieu, dont l’épineuse question de la sécurité.
La majorité du C.A. de l’organisme est maintenant formée de cyclistes qui semblent particulièrement avoir à cœur de préserver le réseau de pistes de vélos. Espérons que la passion de leur sport ne leur fera pas oublier que Forêt Héritage a d’abord et avant tout été créée pour conserver intact ce milieu naturel et de permettre à tous, cyclistes, mais aussi marcheurs, skieurs, raquetteurs, de pouvoir profiter en toute sécurité de ce lieu précieux.