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Un regard sur les travers historiques de l’amour
Daniel Machabée – Difficile pour un historien de résister à une invitation du rédacteur en chef du Journal pour une chronique historique. C’est donc avec plaisir que j’ai accepté de partager avec vous cette chronique dédiée à l’histoire et à ses travers. J’aborderai éventuellement des aspects plus sérieux de l’histoire, mais pour cette entrée en matière je souhaitais offrir un texte plutôt léger qui m’a été inspiré dernièrement par une rencontre tout à fait extraordinaire. Bonne lecture !
Devant l’ennemi qui déferlait par toutes les frontières en septembre 1792, Danton s’élança à la tribune et s’exclama : « Il faut de l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace, et la France sera sauvée ! » L’amour de la patrie, l’appel aux patriotes, notions vitales de l’identité nationale qui s’identifie par l’amour indéfectible et passionnel. Qu’en est-il de cette notion de passion amoureuse à travers les civilisations et l’Histoire ? Donnons quelques pistes historiques écrites.
Lafontaine disait qu’on rencontre souvent sa destinée par des chemins qu’on prend pour l’éviter… D’un autre côté, les Grecs disaient que le destin c’est comme la tortue d’Eschyle, qu’il nous tombe sur la tête de façon impromptue. Ils disaient aussi qu’Aphrodite aime bien les sourires ! Les Romains, eux, affirmaient que sans Cérès et Bacchus, Vénus a froid… Ovide, dans Les Héroïdes, disait que seules deux choses ne peuvent être cachées à l’œil des mortels : l’amour et la toux. Pourtant, Antiphane le Grec, quatre cents ans plus tôt, disait que ce sont plutôt l’amour et l’ivresse qui ne peuvent rester cachés… Perceptions de civilisations !
Les Hindous disaient que l’amour est un crocodile sur le fleuve du désir; il se tapit sous les eaux calmes, prêt à bondir sur sa proie. Plaute (IIIe siècle av. J.-C.), ce grand penseur romain, affirmait qu’il est plus dangereux de tomber amoureux que du haut d’une falaise ! Horace, dans ses Satires, a sans doute la définition la plus universelle en affirmant qu’il y a deux mots en amour : la guerre et la paix. Quant aux Arabes, ils affirment que l’amour est une douceur dont le jus est savoureux et la pâte amère. Les Espagnols, ces grands passionnés, sous la plume de Cervantès, nous disent que l’amour est un ennemi que l’on ne peut vaincre corps à corps, mais par la fuite…
Boèce, lui, affirme que l’amour ne connaît pas de lois. Et Molière, dans le Misanthrope, dit que la raison n’est pas ce qui règle l’amour ! Shakespeare, dans son Henri VIII, écrivait que deux dames à côté l’une de l’autre « font froide température ». Ce à quoi répondit soixante années plus tard Lafontaine : « Deux coqs vivaient en paix; une poule survint… »
Tout ça pour dire que le temps et non la volonté met fin à l’amour (Publius Syrus). Ou bien, selon les Italiens, que l’amour fait passer le temps, et le temps fait passer l’amour. La Rochefoucauld, lui, disait qu’il est plus difficile de dissimuler les sentiments que l’on a, que de feindre ceux qu’on n’a pas. Quant aux Anglais, ces êtres flegmatiques à qui la passion est dite étrangère, on trouve chez C. Marlowe (1598) que l’amour rend éloquents ceux qu’il anime.
Ahhh ! Et moi je dis que quand une passion existe, il faut tenter le diable avant de le rejoindre dans l’antichambre de l’enfer !