La puncture physiothérapique

journal des citoyens, la punctureNicolas Boudreau pratique avec succès la punction physiothérapique avec aiguilles sèches depuis janvier 2019, à la suite d'une formation spécialisée dédiée à la technique. – Photo : Nicolas Boudreau
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Traitement de la douleur : méconnue, mais efficace

Émilie Corbeil – En janvier 2020, l’Institut national de la Santé publique du Québec (INSPQ) publiait les résultats d’une étude d’envergure nous apprenant que pas moins d’un travailleur québécois sur quatre souffre de troubles musculo-squelettiques (TMS) d’origine non traumatique. Dans une chronique pour l’Union des travailleuses et travailleurs accidentés ou malades (UTTAM), le docteur Louis Patry précisait qu’au Québec, les troubles musculo-squelettiques représentent entre 10 et 12 % des raisons de consultations médicales et sont la principale cause d’incapacité dans la population.

Qu’ils apparaissent des suites d’un accident, de mouvements répétitifs ou qu’ils soient de cause inconnue, les douleurs qu’ils provoquent peuvent rendre la vie infernale. Et lorsque celles-ci deviennent chroniques, les histoires personnelles font généralement état d’une longue errance, à la recherche de solutions qui peuvent apporter un soulagement. Traitements médicamenteux, infiltrations de corticoïdes, consultations de divers spécialistes et tutti quanti. Certains ont trouvé un formidable soulagement en consultant un physiothérapeute qui pratique la puncture physiothérapique avec aiguilles sèches (PPAS). Le Journal a fait un tour d’horizon de cette technique encore méconnue du grand public.

La douleur, d’abord

Physiothérapeute et directeur clinique chez Physio Atlas, à Rosemère, Nicolas Boudreau, qui pratique la PPAS, explique d’entrée de jeu que les mécanismes entourant la douleur sont encore mal compris. Ils sont d’ailleurs l’objet de très nombreuses études.

L’Association internationale pour l’étude de la douleur (IASP) a rendu en 2017, trois définitions de la douleur. D’abord, il y a la douleur nociceptive, cette douleur habituelle provoquée par une blessure à un tissu non nerveux. Ensuite, la douleur neuropathique, qui sera causée par une lésion ou une maladie du système nerveux somatosensoriel. Finalement, la douleur nociplastique, pour laquelle il n’existe aucune évidence d’atteinte tissulaire ou nerveuse. Elle serait plutôt le fait d’une altération du système nociceptif lui-même.

Vient ensuite le diagramme de Venn, montrant la possible coexistence de ces trois types de douleurs, s’inscrivant elles-mêmes dans le complexe moteur d’un individu et, à plus grande échelle encore, dans le domaine psychosocial qu’elles viennent affecter. 

Monsieur Boudreau explique qu’en effet, la douleur n’est pas perçue de la même manière pour tous. Elle n’a pas toujours le même impact sur la qualité de vie non plus. Elle devient aussi parfois souffrance, alors que la détresse psychologique se fait sentir. 

Si pour le commun des mortels, la douleur forcément causée par une blessure ou une maladie est censée disparaître avec la guérison, la réalité est bien différente. La douleur peut persister. Et les personnes qui souffrent, toujours à la recherche d’un soulagement, le trouveront peut-être dans la puncture physiothérapique avec aiguilles sèches, dont les bases scientifiques sont bien établies.

La puncture avec aiguilles sèches, une technique millénaire

En médecine traditionnelle chinoise la puncture avec aiguilles sèches porte le nom d’acupuncture. Il s’agit d’une pratique millénaire basée sur le concept ancien des méridiens porteurs de l’esprit (le Yin) et du sang (le Yang). Bien que la médecine moderne ne reconnaisse aucunement l’existence de tels méridiens d’un point de vue anatomique, de nombreux Québécois ont encore recours à cette technique, encadrée par un ordre professionnel. 

Fait intéressant : les traitements d’acupuncture traditionnelle ne se limitent pas aux méridiens. Il existe, en acupuncture, d’autres points que ceux qui sont identifiés le long des méridiens : Les points « ah-shi » ou « là où ça fait mal » en traduction littérale. Ces points, contrairement aux points méridionaux, seraient, eux, fermement ancrés dans l’anatomie des systèmes nerveux et musculaire : ils correspondent aux points gâchettes. 

Un point gâchette est une zone congestionnée et inflammatoire du tissu musculaire. On en parle en général en les appelant « nœuds ». C’est… là où ça fait mal ! 

La PPAS en physiothérapie

La PPAS, en physiothérapie, est une pratique admise depuis une quinzaine d’années, environ. Et elle devient de plus en plus populaire. Le but recherché par le physiothérapeute, en piquant son patient avec des aiguilles, est d’interférer avec le processus inflammatoire et de faire relâcher le ou les muscles à l’origine de la douleur. La technique est profonde et demeure locale, en fonction de l’expression de la douleur et des troubles biomécaniques du patient.

Mais attention : malgré qu’ils soient de plus en plus nombreux, tous les physiothérapeutes n’offrent pas ce type de traitement. Ils doivent avoir suivi une formation préalable de 102 heures incluant des modules théoriques, des ateliers de pratique et des examens. 

L’efficacité de la PPAS a été démontrée aux niveaux biomécanique, vasculaire et chimique. Les patients souffrant de cervicalgie, de cervico-brachialgie, de dorsalgie, de lombalgie et autres douleurs peuvent en bénéficier.

Elle a par ailleurs fait état de résultats très impressionnants dans le traitement de la douleur liée à l’arthrose au genou. Même chose pour le syndrome du canal carpien. Aussi, elle traite les tendinopathies chroniques. 

Une approche parmi d’autres

Pour Nicolas Boudreau, la PPAS est un outil précieux, mais pas unique. Le plan de traitement, en fonction du patient, présentera également de la thérapie manuelle, des exercices ou d’autres procédés.

Il précise par ailleurs au Journal que tous ses patients n’ont pas répondu favorablement au traitement avec aiguilles sèches. Alors, d’autres stratégies doivent être mises de l’avant. Il faut savoir que chaque professionnel en physiothérapie utilise des approches différentes. Si le traitement ne fonctionne pas avec un physiothérapeute, il ne faut pas hésiter à aller en voir un autre, formé dans d’autres approches. Pour M. Boudreau, les autres physiothérapeutes ne sont pas des compétiteurs, mais des collègues de travail. Lorsqu’il prend un patient en charge, il n’hésite pas à lui recommander d’aller voir d’autres collègues si leurs techniques semblent appropriées. 

Dunning et al., Physical therapy reviews, août 2014, Dry needling : a literature review with implications for clinical practice guidelines, accessible à l’adresse: https://www.ncbi.nlm.nih.gov/ pmc/articles/PMC4117383/

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