- L’arbre dit à la rivière - 22 novembre 2024
- SOCIÉTÉ - 22 novembre 2024
- POLITIQUE - 22 novembre 2024
Fous ces Étatsuniens!
Marc-André Morin – C’est toujours un peu facile de porter un jugement sur une personne ou un groupe : ils ne sont jamais qu’une seule chose à la fois. On a vu de bons pères de famille, bons travailleurs, aimables voisins de temps en temps être de monstrueux tueurs en série.
Au moment où le monde basculait dans le fascisme, que l’Allemagne et le Japon contrôlaient chacun leur moitié de planète, les États-Unis, puissance impériale en pleine ascension, ont mis en œuvre le plus grand effort industriel et militaire de tous les temps; malheureusement, ces investissements massifs ont créé une richesse qui a fait basculer le pouvoir politique aux mains des producteurs d’armement, c’est Eisenhower qui le disait.
Pour comprendre ce qui se passe aux États-Unis, il faut regarder leur histoire. Dès le début, la suprématie de la race blanche n’a jamais été mise en doute. Quarante-six des quarante-huit signataires de la déclaration d’indépendance étaient propriétaires d’esclaves. Il est évident que tous les grands principes de justice et de liberté énoncés dans le document ne s’appliquaient qu’à eux-mêmes.
Dans l’histoire des États-Unis aucun produit ou ressource n’a occupé autant d’importance économique que le coton. Avec la révolution industrielle, la mécanisation des filatures européennes et la consommation de coton de l’artillerie des guerres napoléoniennes (cinq livres par obus), le marché mondial du coton suivait une courbe exponentielle. Au début de la guerre civile le coton représentait soixante pour cent des exportations américaines. La vallée du Mississippi, aujourd’hui une des régions les moins riches des États-Unis, comptait plus de millionnaires que tout le reste des États-Unis réunis. La valeur marchande des quatre millions d’esclaves étaient plus grande que celle de toutes les banques, les chemins de fer et les usines réunies. Quinze pour cent de la population étaient des esclaves.
En 1830, le Indian Removal Act forçait le déplacement des Indiens de la côte est vers des réserves situées à l’ouest de la vallée du Mississippi, ouvrant ainsi de nouvelles terres sur lesquelles il fallait créer de nouveaux États. Seraient-ils esclavagistes ou non ? Dans le nord, plus cosmopolite, où l’abolition de l’esclavage faisait lentement son chemin, on aurait voulu fixer une limite; alors que pour le sud, importer un autre cinq ou six millions d’Africains à trois cents dollars chacun semblait être la marche à suivre. Voulant se protéger de la menace d’abolition complète de l’esclavage les États du sud ont déclaré leur sécession de l’Union et fondé la confédération des états esclavagiste. Rapidement, ils ont occupé les centres administratifs fédéraux et les bases militaires, ce qui a moins bien passé. Après la victoire du Nord, l’administration militaire, chargée de la reconstruction, avait mis en place une série de mesures pour assurer le respect des droits des Noirs. Quand l’armée s’est retirée, les États du Sud ont voté une série de lois permettant d’emprisonner les Noirs sans raison; les planteurs les louaient et leur salaire était payé à la Municipalité pour rembourser les couts de police et d’incarcération. Pour voter, les Noirs devaient passer un test de littéracie, mais comme apprendre à lire était passible de la peine de mort au temps de l’esclavage, on imagine la suite. Les racistes ont entrepris de réécrire l’histoire, en prétendant par exemple que l’esclavage était un enjeu secondaire et qu’ils se battaient pour défendre les droits de leurs états, dont le plus précieux à leurs yeux, le droit de posséder des êtres humains. Les hommes blancs des classes inférieures pouvaient être payés, pourvus d’un cheval et d’un fouet pour participer aux patrouilles nocturnes avec de riches planteurs et exhiber leur cruauté. Ces tensions sociales et morales sont toujours là et encore exploitées par la droite réactionnaire. Quand Trump a dit qu’on ne peut pas enlever le monument de Jackson, prétendant que ce dernier, voyant toutes les misères causées par la guerre de Sécession, aurait prétendu que toute cette souffrance et cette destruction n’étaient pas nécessaires… Bravo ! Sauf que Jackson est mort seize ans avant le début de ladite guerre de Sécession. Les partisans de Trump ne sont pas sortis de son chapeau. Il y en a plusieurs catégories : des bigots pour qui Dieu est blanc ou pour qui l’avortement est un meurtre et généralement des prolétaires blancs laissés pour compte dans la mondialisation et qui goûtent à la misère et au système répressif autrefois réservé aux Noirs. La classe politique américaine n’a jamais entrevu le potentiel de fascisme qu’un tel réservoir de perdants pouvait représenter.
Soixante millions d’Américains ont un dossier criminel, soit plus de 16 % de la population totale et près de 24 % de la population en âge de voter. Dans toutes les juridictions administratives, il existe cinquante mille obstructions à l’exercice de leurs droits civils d’ex-détenus, allant de la perte du droit de vote à l’exclusion de l’aide sociale.
Il y a toujours de l’espoir, même dans les moments sombres. En Oklahoma, un républicain ex-directeur des ressources humaines chez Wall Mart, poussé par sa foi chrétienne, a proposé un projet de loi décriminalisant une foule de crimes mineurs, dont la possession simple de drogues. En même temps qu’ils votaient à 65 % pour Trump, les électeurs de l’Oklahoma ont approuvé encore plus massivement, soit à 75 %, ce projet de loi révolutionnaire.