Réalité augmentée

Journal des citoyens - Réalité augmentée
Étienne Robidoux

Une fenêtre sur le livre

Étienne Robidoux – Écrire un livre avec des illustrations qui font appel à la réalité augmentée (RA) : c’est le choix qu’a fait l’auteur Ugo Monticone avec Tracé de voyage, qui raconte ses escapades dans plusieurs pays. Mais en quoi consiste cette technologie qui se popularise ?

Quand on ouvre les pages de Tracé de voyage, on découvre 21 illustrations en noir et blanc. En apparence ordinaire, elles prennent vie lorsqu’on les visualise à travers la caméra de notre téléphone cellulaire, après avoir installé le logiciel Artivive. Des enregistrements sonores accompagnent les animations colorées. 

Selon M. Monticone, il s’agirait du premier récit de voyage au monde à être doté de réalité augmentée, une technologie qu’il ne faut pas confondre avec la réalité virtuelle.

Réalité augmentée et réalité virtuelle

La réalité virtuelle nécessite l’utilisation d’un casque qui couvre entièrement la vue et qui simule la présence d’un utilisateur dans un environnement simulé par ordinateur.

Du côté de la RA, on ne cherche pas à cacher le réel, on l’intègre. « L’écran de votre cellulaire ou de votre tablette peut être utilisé comme une fenêtre », explique Tomás Dorta, expert en réalité virtuelle et augmentée et professeur de l’école de design de l’Université de Montréal. 

Ainsi, en regardant à travers l’appareil photo de votre téléphone intelligent, vous pourriez voir apparaître des meubles, des édifices ou des personnages qui se superposent à votre environnement.

De nos jours, la plupart des téléphones intelligents et des tablettes possèdent la technologie intégrée pour pouvoir lire la RA. Celle-ci est surtout connue pour le divertissement, comme avec certains filtres Instagram. On pense également au célèbre jeu vidéo Pokémon Go, lancé en 2016, dans lequel les joueurs se promènent dans la vie réelle avec leur téléphone pour capturer des créatures virtuelles.

Tridimensionnelle, la réalité virtuelle ?

Selon M. Dorta, la RA, pour être considérée comme telle, doit être à l’échelle et tridimensionnelle. « La réalité augmentée nous donne une sensation de présence face à un objet ou un monde qui est virtuel, parce qu’il est à l’échelle et qu’on interagit en temps réel », précise-t-il. Celui-ci donne l’exemple d’un artéfact qui semblerait émerger du livre et que l’on pourrait découvrir tous les côtés en déplaçant son téléphone intelligent.

Les animations du livre ne seraient donc pas tout à fait considérées comme de la réalité augmentée si l’on se fie à la définition qu’il propose, puisque celles-ci sont en deux dimensions et ne sont pas à l’échelle.

Isabelle Gagné, mieux connue sous le nom de MissPixels, est une illustratrice, designer et artiste multimédia de Mirabel. C’est elle qui est derrière les illustrations du livre Tracés de voyage. Pour l’artiste, il s’agit de réalité augmentée puisque « l’application permet d’enrichir » la lecture grâce à des éléments animés qui sont en dehors du livre.

Mme Gagné a employé une technique de collage qu’elle appelle le mashup et qui consiste à recréer une scène à partir d’un mélange de composantes de diverses provenances. « J’ai travaillé à partir des images, de sons et de vidéo qu’Ugo a fourni. [J’ai aussi utilisé] des GIF animés et des images sur le web. À travers ça, il y a des éléments qui viennent cent pour cent de moi », explique-t-elle. Marc Sauvageau s’est quant à lui chargé de la conception sonore.

La designer ajoute que les illustrations ne se voulaient pas être de type documentaire, mais plutôt artistique. Ainsi, on observe dans les pages des collages surréalistes et poétiques. Les images peuvent être comprises et appréciées sans nécessairement mettre la main sur son appareil mobile, souligne-t-elle.

Revenir au livre papier

Avant d’en arriver à la réalité augmentée, M. Monticone a fait une incursion dans plusieurs types de formats de lecture.

« Quand je partais en voyage pour écrire un récit, j’apportais une caméra et une enregistreuse, raconte-t-il. Je revenais avec une idée de livre, mais j’avais aussi beaucoup de contenu multimédia. J’ai voulu bonifier mon livre avec ça. »

En 2013, il a publié Le vendeur de goyaves, un livre entièrement numérique et immersif, qui a remporté le prix Boomerang, récompensant les meilleures innovations numériques québécoises. Volcan a suivi en 2018, lui aussi numérique et immersif. 

« Les gens m’ont dit qu’ils adoraient le contenu multimédia, que ça leur permettait une immersion dans le livre et le voyage, mais qu’ils n’aimaient pas lire sur un écran. La majorité des gens m’ont dit préférer lire le texte sur papier », confie l’écrivain.

Souhaitant la primauté du texte, l’écrivain a alors découvert les avantages de la RA. « Ça me permettait de revenir au livre papier, un support que les gens aiment, tout en intégrant du contenu multimédia à travers la réalité augmentée ». 

Créer une application sur mesure aurait été trop coûteux pour son projet. Il s’est donc procuré une licence d’une application existante, Artivive, conçu en Autriche et surtout utilisé pour les galeries d’art en Europe.

Les illustrations de Tracés de voyage seront transposées sur des panneaux de 20 pouces par 30 pouces dans le cadre d’expositions d’art visuel. Le vernissage a eu lieu en novembre dernier, à Sainte-Adèle. M. Monticone prévoit faire une tournée à travers le Québec. Si les mesures sanitaires le permettent, Mont-Tremblant l’accueillera en mai et le Musée d’art contemporain des Laurentides, à Saint-Jérôme, en novembre prochain.

Les lunettes de RA : une technologie prometteuse

Des lunettes sont également développées où la transparence de la lunette permet de voir notre environnement, tout en percevant de nouveaux éléments ajoutés numériquement. Ces informations peuvent être utilitaires, telles que la température ou la lecture de courriel.

Microsoft vend déjà des lunettes de réalité augmentée à près de 6 000 dollars canadiens. Cette technologie prometteuse pourrait devenir plus abordable et accessible au cours des prochaines années, selon M. Dorta.

print