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Samedi, temps du temps
Gleason Théberge – Pour la plupart des noms de nos jours de semaine, il faut se référer aux Chaldéens, anciens Perses, habitants de ce que nous appelons aujourd’hui le Moyen-Orient. Grands observateurs du ciel, ils ont divinisé les sept points lumineux se déplaçant entre d’autres étoiles autrement fixes et leur ont consacré les heures du jour en séquence régulière. Mais comme le nombre de celles-ci ne correspondait pas exactement aux sept dieux, la première heure de chacun des jours a été décalée de l’un à l’autre, consacrant ainsi toute journée à la première divinité invoquée à l’aurore.
Les Grecs ont repris leur pratique en faisant se succéder leurs dieux selon les mêmes planètes appelées astres errants (planètôs), mais en commençant par Cronos, d’où viennent divers mots associés au temps, dont chronomètre, chronologie et même chronique, le type de texte à parution espacée, comme celui-ci. Puis, les Romains ont adopté une même référence aux astres, mais en évoquant d’abord le Soleil et la Lune, suivis des autres noms de jour de notre semaine jusqu’à leur dieu leur équivalent du Cronos grec Saturne, dont la désignation est plus évidente dans le Saturdayanglais (saturn day).
Cette divinité gréco-romaine est décrite comme un père dévorant ses enfants dès leur naissance, de peur que l’un d’eux ne cherche ensuite à le remplacer. On peut y voir l’attitude du mâle qui exerce sa domination sur les jeunes du troupeau, l’arbre qui bloque de son feuillage l’accès à la lumière aux nouvelles pousses de sa propre espèce, la cruauté des monopoles qui écrasent ou avalent les petits commerces… Les symbolistes en ont surtout fait l’évocation du Temps, qui fait disparaître inévitablement les êtres autant qu’il les crée.
Le nom de notre samedi n’origine pourtant pas de ce Cronos-Saturne, mais de deux souches qui ont fusionné leurs troncs : une ancienne appellation apparentée à semaine le désignant comme le septième jour (semedi), elle-même issue d’une référence au jour du sabbat juif (sabbatum). On en retrouve, d’ailleurs, la trace dans les sábado espagnol, sabatoitalien et soubotta russe. On peut ainsi constater l’importance jadis accordée dans ces civilisations au jour du repos (sâbbât), respecté par la tradition juive, d’après le récit biblique, du moment où la création symbolique du monde a été interrompue.
Avec les connaissances actuelles, c’est au Big Bang que nous consacrerions cette journée : biguebagnedi?