Le Petit Prince

Le petit prince, journal des citoyensPhoto : Yves Renaud
Diane Brault
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Du théâtre à l’ère du numérique

Diane Brault – En ce temps de pandémie, les écrans sont au cœur de notre vie quotidienne. Comme beaucoup d’autres organisations culturelles, les théâtres ont plongé dans ce vaste univers numérique afin de survivre à la fermeture de leurs salles. Certaines diffusions artistiques attirent des dizaines de milliers de curieux, d’autres quelques centaines. Le Web peut permettre un rayonnement culturel qui déborde largement les frontières. Il permet aussi de trouver le public pour du contenu niché. Tout le monde est en compétition avec tout le monde pour capter l’attention des gens.

Un conte musical et théâtral

Le 6 novembre dernier fut diffusé sur le Web Le Petit Prince d’Antoine de Saint-Exupéry, une création du TNM en association avec l’Orchestre Métropolitain et son chef Yannick Nézet-Seguin. Heureux choix littéraire et artistique. Certains spectateurs ont pu faire sur le Web la découverte de cette œuvre intemporelle qu’est Le Petit Prince. Pour ceux et celles qui connaissaient déjà le texte, ce pouvait être le moment de se remémorer l’histoire fantastique et surréaliste de ce célèbre enfant voyageur interplanétaire.

L’inoubliable Petit Prince

En 1942, Saint-Exupéry intrépide aviateur décida d’écrire Le Petit Prince. L’écrivain avait alors, semble-t-il, le sentiment de vivre dans un monde chaotique. Cette situation l’amena à s’interroger sur le sens de la vie. Il écrivit ce conte qui nous plonge dans l’univers mystérieux de l’enfance, mais surtout sur les rapports réciproques maintenus entre celui-ci et le monde des adultes.  

Une captation inédite et de qualité

Doté d’une solide équipe de création et de captation, le Théâtre du Nouveau Monde (TNM) a répondu au désir exprimé par sondage de bon nombre de spectateurs et d’abonnés de pouvoir assister à des pièces de théâtre à partir de leur domicile. La pandémie a donc forcé le théâtre à créer une nouvelle programmation artistique alternative originale pouvant faire face à l’incertitude, mais surtout à des restrictions physiques croissantes. 

Être aux premières loges

Dès les premières minutes du visionnement du spectacle Web, on se rend compte que le texte est fidèle à l’œuvre. On y retrouve avec plaisir les mots de Saint-Exupéry. Bien que l’expérience théâtrale et musicale numérique soit très différente d’une présentation « vivante », on se prend au jeu et on se laisse soit emporter, soit apaiser par la musique savamment dosée et parfaitement intercalée aux moments plus théâtraux. Grâce à une ingénieuse et efficace mise en scène sobre et fluide avec des éclairages intimistes, nous oublions rapidement que tous les comédiens et les musiciens présents simultanément sur la scène sont contraints à des règles et des déplacements scéniques inhabituels.

L’émouvant jeu des comédiens

Jean Fayolle nous étonne avec sa voix grave et extraordinaire dans le rôle du pilote. Renaud Labelle-Bourdon nous présente un tendre Petit Princequi s’émerveille et s’étonne. Sophie Desmarais donne vie à la coquette rose ainsi qu’au rusé renard. Avec son masque noir anti-pandémie au visage, Victor A.T. Turgeon devient le mystérieux et menaçant serpent. Jean François Casabonne joue avec polyvalence les rôles du Roi, du Businessman et de l’allumeur de réverbères. Benoit Brière joue dans la nuance et vérité le rôle du géographe et de l’ivrogne aux prises avec ce Petit Prince qui n’a de cesse de poser un tas de questions sur le sens de leur vie.

Astéroïde 326, la planète du coquet vaniteux

Au cours de ses voyages, le Petit Prince rencontre de nombreux personnages tous plus curieux les uns que les autres. Sur chaque nouvelle planète, le Petit Prince se demande toujours à quel point les adultes peuvent être étranges. L’un des personnages est l’homme vaniteux puissamment interprété par Benoit Brière. Le vaniteux se considère comme l’homme le plus beau et le plus intelligent de sa planète et il demande au Petit Prince de l’admirer et de l’applaudir. Tout cela pourrait bien en être le cas, mais le Petit Prince n’est pas dupe et s’empresse de rappeler au vaniteux qu’en fait, il est seul sur sa planète.

Le vaniteux se croit le mieux habillé, le plus riche et le plus intelligent et toute son identité tourne autour du fait d’être admiré par tout le monde même s’il n’a rien fait de particulier pour justifier cette adoration. Est-ce que Antoine de Saint-Exupéry aurait voulu exprimer à quel point les adultes peuvent être imbus d’eux-mêmes ou voulait-il plutôt avec ironie nous indiquer ce que nous ne devrions pas être ? Beau moment de théâtre et de réflexion sur la vanité.

Spectacles à voir ou à revoir sur le Web

Même dans la difficulté, le théâtre au Québec n’a pas dit son dernier mot. Compte tenu de la fluctuation des mesures sanitaires appliquées par nos gouvernants, il est facile de prévoir que les salles de spectacles resteront fermées pour au moins cette saison hivernale. Le Petit Prince a été disponible sur le Web jusqu’au 8 novembre dernier. La programmation d’automne du TNM s’achevant, il n’en demeure pas moins possible de visionner bientôt la dernière pièce Webdiffusion de la saison. L’Avalée des avalés de Réjean Ducharme sera présenté du 27 novembre au 6 décembre 2020. Il suffit d’aller sur le site du TNM https://tnm.qc.ca/ pour obtenir l’information pour accéder aux webdiffusions. Aux dernières nouvelles, les équipes de créations se sont déjà mises au travail pour créer une prochaine programmation.

Théatre du nouveau monde, le petit prince et l'ivrogne
Benoit Brière joue le rôle de l’ivrogne aux prises avec ce Petit Prince – Photo : Yves Renaud
Théatre du nouveau monde, le renard du petit prince
Sophie Desmarais donne vie au rusé renard. – Photo : Yves Renaud
Théatre du nouveau monde, le petit prince
Le chef de l’Orchestre Métropolitain, Yannick Nézet-Seguin; à la mise en scène, Sophie Cadieux; et Renaud Labelle-Bourdon dans le rôle du Petit Prince – Photo : Yves Renaud
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