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Mots et mœurs
Gleason Théberge. -Comme dans certains calendriers qui ne font que numéroter les jours, entre autres en russe, arabe et portugais, notre jeudi arrive comme cinquième jour avec une référence au dieu suprême de la mythologie latine. C’est d’ailleurs toujours le cas en Italie, depuis le calendrier de la Rome antique quand on y a cessé d’utiliser une semaine de huit jours, pour adopter celle de sept jours des Grecs. Ce sont ces jours allant du Soleil à la Lune et aux autres jours qui ont été transmis à la plupart des pays occidentaux.
Dans ce contexte, dérivé du jovis dies, le jeudi a hérité du patronage de Jupiter, lanceur de foudre et dont le tonnerre de la voix est évoqué dans détonation et tonitruant.
En symétrie avec Saturne, le dieu scandinave Thor, lui aussi maître des autres dieux, a quant à lui fait naître le Donnerstagallemand et le Thursday anglais. Et son tonnerre, instrument de colère divine, associable à l’ancienne vision du père ou de l’adulte autoritaire, peut aussi mener au personnage de Haddock créé par Hergé. Son juron Tonnerre de Brest, très approprié pour un capitaine, provient d’ailleurs d’un événement attesté. En 1718, à Brest, sur la côte de Bretagne, la foudre accompagnée par trois coups de tonnerre a frappé une vingtaine d’églises au moment où leurs cloches avertissaient la population du danger. Un tel événement a par la suite été rappelé dans la même ville par les détonations d’un canon aux allures de tonnerre qui annonçaient l’évasion de prisonniers.
Jupiter correspond aussi au Zeus grec, dont le nom a généré dies (jour) et deus (dieu). En italien, où notre jeudi est appelé giovadi, on peut en apparenter les sonorités aux mots gioia (joie), gioie (bijoux) et gioiare (jouer). Cette dernière parenté peut ainsi rappeler sous deux traits la semaine des quatre jeudis. Venus du carême du moyen âge où l’on pouvait manger gras ces jours-là, les jeudis d’abord trois ont correspondu de 1842 à 1972 aux jours de congé des enfants qui fréquentaient l’école française du lundi au mercredi, puis du vendredi au samedi, Avoir quatre jours de bonne nourriture ou profiter d’un si long congé correspondait alors au souhait irréalisable de l’expression encore utilisée aujourd’hui.
Sous les auspices de ce jeudi, souhaitons que le respect des décisions de nos propres autorités nous permette de passer bientôt de la crainte que nous inspire le foudroyant virus actuel à la joie retrouvée!