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Mots et Mœurs
Gleason Théberge– Dans quelques langues, dont le russe et l’allemand, le mercredi est appelé jour du milieu de la semaine, une référence due à l’habituelle séquence des jours les alignant du dimanche au samedi. D’autres calendriers, d’inspiration moins religieuse, respectent davantage le concept de fin de semaine, en plaçant le lundi en début de séquence. Peut-être, les Français y ont-ils trouvé leur fascination pour l’expression anglaise du week-end, parce que les deux jours de la fin de semaine sont regroupés en fin de ligne.
Mais le mercredi, lui, est loin de ces considérations; et s’il apparaît alors effectivement au milieu des jours, il peut évoquer l’incertitude du croisement des routes, voire le sentiment de liberté du marin naviguant en haute mer, vers tous les rivages possibles. On peut y voir l’image de l’adolescence, à la fois soumise aux intempéries des gestes autrefois sans conséquences et désormais placés sous le regard des autres, qui ne comprennent pas toujours l’intensité du goût de tout vivre autrement.
D’origine latino-chrétienne, notre mercredi, tout comme le miércoles espagnol ou le mercoledi italien, est associé au Mercure de la mythologie romaine. Celui-ci est généralement représenté avec des ailes aux pieds pour évoquer le rôle de messager qu’il assumait entre les dieux. On en faisait aussi le dieu des échanges et des intermédiaires. Son équivalent grec Hermès, dieu de l’intelligence industrieuse, y ajoute l’idée du caché (hermétique) et du secret mais qui peut être partagé. Un phénomène que les réseaux sociaux accentuent de nos jours, mais qui pousse habituellement les jeunes à se fier davantage à leur cercle d’ami.es qu’à leurs parents. Ce thème de la communication est aussi celui du journaliste et peut rappeler l’ancien Écho du Nord, qui était précisément publié en milieu de semaine, comme votre Journal. Notre époque peut y voir aussi le contremaître, qui représente l’entrepreneur et travaille avec les employé.es. Salarié comme elles et eux, il peut se croire le patron, mais doit assumer la fonction ingrate de transmettre parfois des ordres qu’il sait inadéquats.
Équivalant à notre mercredi, le Wednesday anglais, lui, évoque le dieu nordique Woden/Odin, dieu suprême des pays scandinaves, aux pouvoirs placés entre guerre et poésie. Un écart qui peut aussi être associé à l’adolescence, dont l’énergie fait croire à l’invincibilité, tout en étant l’âge d’une sensibilité qui crée des bouleversements parfois difficiles à contrôler. Un contraste qu’évoque aussi la référence celte du mercredi au frêne. Ces ancêtres des Gaulois voyaient dans l’arbre le symbole d’une union de la terre où les racines s’implantent, jusqu’au ciel vers lequel tend le feuillage. Bois dur dont les Celtes faisaient leurs lances, le frêne est associé par ses sonorités au frein et à la frénésie. Le premier implique de ralentir un mouvement ou une ardeur; le second, venu d’un mot grec évoquant l’intelligence et l’âme, a fini par désigner l’excès d’enthousiasme. Deux opposés très mercrediens, non?