Les paysages en temps de pandémie

Journal des citoyens - paysages

Urbanisme en montagne

Louise Guertin – Que fait-on en temps de pandémie ? Plusieurs allègent leur confinement en prenant de longues marches, seuls ou en famille, dans nos quartiers arborisés en montagne. C’est le grand avantage de vivre dans les Laurentides, vivre dans la nature.

C’est à tout le moins le souhait de résidents qui y ont toujours vécu ou s’y sont installés. Ces promenades changent aussi notre regard sur notre habitat que le plus souvent nous sillonnons en voiture, pressés par les exigences de la vie moderne. La pandémie amplifie notre appréciation de la nature, mais également de sa fragilité, son évanescence.

On croise des voisins qu’on ne voit jamais, qu’on ne connaît pas et on se parle de chaque côté de la rue, dans le respect des nouvelles normes. On ne s’est jamais autant côtoyé, autant échangé. De quoi, parle-t-on? Du printemps tardif, des projets de construction en cours, de l’érosion, de densification, de la dégradation de notre milieu de vie. C’est étonnant de voir à quel point les observations ainsi partagées se recoupent.

Les cerfs

Un des sujets de conversation est le nombre anormalement élevé de cerfs observé cet hiver sur le mont Belvédère. J’en ai vu huit dans mon jardin, une première; des voisins en ont vu beaucoup plus. En face, un jardinet de thuyas, une douzaine qu’on taille chaque année a servi de buffet aux cerfs cet hiver. En parlant aux résidents, on refait le parcours suivi par les cerfs pour se nourrir dans de nombreux jardins.

Une voisine qui habite le quartier depuis plus de 25 ans et qui marche la montagne tous les jours a émis une hypothèse pour expliquer leur présence. Elle a observé ce troupeau depuis longtemps dans le domaine du Nordais, en bas de montagne. Ils ont été chassés de leur habitat naturel par un concentré de blocs appartements en construction. La transformation de la forêt en jardins manucurés offre aux animaux de nouveaux délices.

L’eau vive et ses amis, les arbres

Ces déambulations quotidiennes permettent d’observer les dénivelés et les passages que l’eau forme au-delà du bitume, des points de rencontre des rigoles en ruisselets, sous les rues, entre les maisons pour se déverser dans les vallons. Souvent, on entend l’eau avant de la voir. Le mont Belvédère a une hauteur de 299 mètres (981 pieds) où plusieurs versants se croisent. Observer l’eau, c’est voir sa force à la fonte des neiges, le ruissellement qui accélère sa course au fil des pentes.

Plusieurs ont partagé leur regard sur la densification et l’effet de l’intensification de la coupe des arbres, l’érosion. Un arbre mature peut absorber plus de 380 litres d’eau en une journée. En les abattant pour construire et en augmentant la superficie des aires asphaltées tout en diminuant la grandeur des terrains, on réduit la capacité d’absorption des eaux de ruissellement. J’ai remarqué, comme vous sans doute, ce phénomène de densification dans des quartiers matures.

Un des couples croisés a eu ce commentaire qui résume l’état d’esprit des marcheurs de la COVID-19 : « Piedmont s’apparente de plus en plus à la banlieue. On ne reconnaît plus nos Laurentides. »

Préserver la santé de la nature

La pandémie nous force à repenser notre lien à la nature. Les villégiateurs, quand ils en ont eu la chance, se sont précipités vers les Laurentides. On peut penser que cet appel du Nord ajoutera de la pression sur le développement immobilier. Veut-on, peut-on densifier encore davantage nos municipalités? Si on le fait, on devrait le faire comment? Peut-on agir individuellement et collectivement?

Un résident a refusé d’accéder à la demande d’un voisin de couper un arbre mature et sain qui obstruait sa vue. On coupe des arbres matures et malades. On en remplace peu; la tendance lourde est de leur substituer des arbustes, de planter des fleurs. Les arbustes, c’est bien près des fils électriques, mais il y a un potentiel d’agir individuellement pour conserver le couvert forestier.

Qu’en est-il des normes pour la construction et la rénovation ? Quand on questionne un ou des projets, on se fait répondre que ça rencontre les normes. Ma question aux élus : peut-on modifier les normes pour mieux préserver la canopée, réduire l’érosion, le bruit et maintenir la qualité de vie de ceux qui habitent déjà Piedmont? Devrait-on réduire et non augmenter la densité de nos quartiers; examiner l’impact de l’évaluation foncière sur la densification ?

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