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Journal des citoyens - bonheur de lecture
Valérie Lépine
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Les livres qui ont fait mon bonheur

Valérie Lépine – La chance me sourit ces temps-ci : j’ai mis la main sur des romans qui m’ont captivée. Le genre de bons livres qu’on a hâte de retrouver à la fin de la journée et qu’on est triste de terminer. Voici donc ces livres qui ont fait mon bonheur.

Sa femme d’Emmanuèle Bernheim

Je savais en trouvant ce roman dans une pile de livres à donner que je venais de mettre la main sur un petit bijou. J’avais déjà lu avec avidité deux romans de cette auteure (Un couple et Vendredi soir). Des histoires de couples qui peuvent paraître banales, mais qui, sous la plume aiguisée de Bernheim, deviennent fascinantes, presque magnétiques. Qu’est-ce qui se cache derrière ces phrases simples, précises, ciselées, se demande-t-on ? Le grand talent d’Emmanuèle Bernheim est d’arriver à évoquer des sentiments complexes avec une grande économie de mots, à faire allusion aux pensées des personnages à travers leurs actions quotidiennes, leurs choix, leurs actes manqués. Sa femme a tenu ses promesses. Et la dernière page est arrivée beaucoup trop vite. (Sa femme, Emmanuèle Bernheim, Gallimard, 1993, 114 p.)

Une vérité si délicate (A Delicate Truth), de John Le Carré

Une vérité si délicate nous plonge dans le monde des espions à la sauce Le Carré : ce n’est pas tant l’action ou les techniques qui intéresse l’auteur (lui-même ancien employé du MI5 et du MI6), mais plutôt les problèmes de conscience des protagonistes coincés entre leurs valeurs morales et les exigences du Service qui, on se doute bien, n’a d’intérêt que pour sa propre survie. Ce qui est d’autant plus intéressant dans les romans de John Le Carré, c’est que ses personnages principaux ne sont souvent que des pions au sein de leur service, des pions pleins de failles, mais qui tentent malgré tout d’affronter Goliath. Dans Une vérité si délicate, l’intrigue imaginée par Le Carré met en scène deux employés du ministère des Affaires étrangères qui sont entraînés malgré eux dans une affaire trouble ayant eu lieu à Gibraltar et impliquant un politicien britannique, une agence privée de mercenaires et des investisseurs étatsuniens peu scrupuleux. Captivant. (Une vérité si délicate, John Le Carré, Seuil, 2013, 327 p.)

Le cœur de l’Angleterre (Middle England) de Jonathan Coe

Troisième tome d’une trilogie commencée avec les romans Bienvenue au club et Le cercle ferméLe cœur de l’Angleterre poursuit l’analyse de l’évolution de la société britannique à travers les aléas de la vie de Benjamin, Philip et Douglas, trois amis nés dans les années 60 et issus de la classe moyenne de Birmingham. Leur vie va être modelée par les changements profonds et rapides qui ont traversé la société britannique des années 70 jusqu’au référendum sur le Brexit. Jonathan Coe, fin observateur de sa patrie, décrit l’évolution de ses personnages avec acuité, intelligence et beaucoup d’humour – humour typiquement britannique, bien évidemment, fait d’un mélange irrésistible d’ironie et d’auto-dérision. 

Bienvenue au club se déroule dans les années 70 avec les troubles issus de la guerre en Irlande du Nord, l’avènement de la musique punk rock et les mouvements syndicaux. La trilogie se poursuit dans Le cercle fermé avec les événements marquants du début des années 2000 (guerre contre le terrorisme, montée de la droite, rôle des médias de masse, etc.). Jonathan Coe conclut le récit des trois amis avec Le cœur de l’Angleterre dans lequel ses protagonistes ont maintenant 50 ans et se débattent avec leurs contradictions et celle de la société qui les entoure. Comment concilier son mode de vie princier avec la pauvreté galopante, ses idées de gauche avec son amour pour une femme conservatrice, son attraction pour le multiculturalisme et le chauvinisme de sa famille ? Jonathan Coe réussit à amalgamer la vie de ses personnages et les enjeux sociopolitiques qui marquent actuellement la société britannique dans un roman parfaitement ficelé. D’ailleurs, nul besoin d’avoir lu les deux premiers romans pour lire cet opus : l’auteur réussit à écrire un roman totalement compréhensible en solo. (Le cœur de l’Angleterre, Jonathan Coe, Gallimard, 2019, 560 p.)

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