Étalement urbain

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La CMM fait réagir les maires de Saint-Colomban et de Prévost

Émilie CorbeilUne étude de l’Observatoire du Grand Montréal, publiée le 6 janvier dernier, a suscité de vives réactions alors qu’elle sonnait l’alarme au sujet de l’étalement urbain et du transport automobile. Massimo Iezzoni, directeur général de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), a appelé à exiger des Municipalités qui bordent sa zone les mêmes règles d’urbanisation, qui sont prévues par le Plan métropolitain d’aménagement et de développement (PMAD). Cette sortie médiatique a fait réagir les maires de Prévost et de Saint-Colomban.

La CMM et le PMAD

En 2011, les 82 Municipalités qui constituent la Communauté métropolitaine de Montréal adoptaient, ensemble, le PMAD, soit le « Plan métropolitain d’aménagement et de développement ». Elles se donnaient ainsi des obligations contraignantes en vue d’organiser l’urbanisation de leur territoire et d’en freiner l’étalement.

Elles doivent planifier des milieux de vie denses, organisés autour de noyaux de transports collectifs et bien desservis par des services de proximité. Le PMAD les oblige également à protéger les terres agricoles et à augmenter les superficies en culture, en plus de protéger 17 % de leur territoire.

Maisons individuelles et dépendance à l’automobile

L’Observatoire du Grand Montréal a, à travers son étude, dénoncé un important mouvement d’urbanisation des municipalités voisines de la CMM, qui ne sont pas soumises aux contraintes du PMAD. Leurs habitants, fortement dépendants de l’automobile et demandeurs de maisons individuelles, viendraient miner les efforts consentis par la CMM afin d’endiguer l’étalement. Dans les médias, on cite la ville de Saint-Colomban, où plus de 89 % des mises en chantiers résidentielles concernent des maisons unifamiliales.

Il n’en fallait pas davantage pour faire réagir Xavier-Antoine Lalande, maire de Saint-Colomban et, à sa suite, Paul Germain, maire de Prévost. Dans leurs lettres ouvertes, tous deux dénoncent le fait que, sous couvert de vouloir protéger l’environnement, la CMM soit plutôt avide de nouveaux résidents, puisqu’elle en perd quelque 7000 chaque année au profit de la périphérie depuis 2015.

Paul Germain indique par ailleurs qu’il est faux de penser que les banlieues accaparent du territoire agricole pour assurer leur développement, puisque ce territoire fait déjà l’objet de mesures de protection au niveau provincial depuis plus de 40 ans.

Soumises à l’orientation 10, les Municipalités de la MRC Rivière-du-Nord sont par ailleurs tenues de densifier les secteurs desservis par les services d’aqueduc et d’égouts à raison de 14 logements à l’hectare et de limiter le périmètre urbain jusqu’à saturation complète de ce dernier.

Le maire de Saint-Colomban, de son côté, insiste sur le fait que le modèle de densification adopté par la CMM manque à correspondre aux objectifs de qualité de vie de maintes jeunes familles qui préfèrent les grands terrains boisés qu’offrent sa municipalité. Par ailleurs, nombre de citoyens de Saint-Colomban (70 % de la population active) travailleraient dans les municipalités de Mirabel et Saint-Jérôme.

Une responsabilité de la CMM?

Les maires de Prévost et de Saint-Colomban s’entendent pour retourner à la CMM son problème de manque d’attractivité, et pour cause. D’abord, parce que très peu d’efforts ont été consentis pour endiguer le problème de spéculation immobilière sur le territoire. L’accès à la propriété, pour de nombreuses familles, passe par l’exode.

On réfère souvent à ce phénomène par l’expression « Drive until you qualify » ou « Conduis jusqu’à ce que tu te qualifies » en traduction libre. En août 2019, JLR établissait le prix médian des unifamiliales à 450 000 $ pour Montréal, 348 000 $ pour Laval et 240 555 $ pour Saint-Jérôme. Le prix médian d’un condo à Montréal était établi à 328 000 $ et à 252 000 $ à Laval.

Une étude récemment publiée par Green resilience, en collaboration avec l’Université McGill, mentionne que les familles ayant emménagé hors de Montréal ont épargné en moyenne quelque 650 $ mensuellement en frais d’hypothèque. Une économie nette de 380 $ par mois en déduisant l’augmentation des frais de transport dus à l’éloignement.

Certes, les jeunes familles qui doivent s’éloigner de leurs lieux de travail pour accéder à la propriété le paient de leur temps et viennent engorger les réseaux de transport. Mais pour elles, il n’y a pas d’autre choix.

L’étude de Green resilience fait d’ailleurs état du fait que, dans la région torontoise, 81 % des acheteurs de maisons auraient préféré vivre dans un quartier où l’accès aux transports collectifs et la possibilité de transport actif sont meilleurs, mais n’en avaient pas les moyens. Il est à parier que la population de la CMM exprimerait le même désir.

Plus difficile de loger une famille dans la CMM

Il apparaît qu’il soit de plus en plus difficile de loger une famille dans la CMM, même en demeurant locataire. Dans la CMM, on parle d’une autre crise du logement, surtout pour les familles. Le taux d’inoccupation des logements de trois chambres y était de 0,8 % en 2018, soit bien en deçà du taux d’équilibre, évalué à 3 %. Et malgré une forte hausse des mises en chantier, la part des logements sociaux et abordables est passée de 29 % entre 2004 et 2015 à seulement 8 % entre 2016 et 2018.

Cette faible disponibilité des logements pousse les prix des loyers et des propriétés à la hausse. La Ville de Montréal, devant l’urgence, a adopté le règlement pour une métropole mixte en 2019, établissant des quotas de logements sociaux, abordables et familiaux pour chaque nouvelle mise en chantier.

Partout dans la CMM, on devra trouver des solutions pour attirer et conserver les jeunes familles.

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